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Santé : et si les bactéries détenaient les clés d’une partie de la défense de notre organisme ?

Des chercheurs français ont récemment identifié une protéine chez l’humain, dont le rôle demeurait un mystère jusqu’à aujourd’hui. Baptisé SIRal, ce domaine protéique serait au cœur d’un principe de conservation biologique ouvrant la voie vers des progrès en immunothérapie, un type de traitement médical stimulant le système immunitaire des patients.

Un champ de recherche en pleine expansion

Pour rappel, l’immunité innée est la première ligne de défense non spécifique de l’organisme contre les agents pathogènes et autres menaces. Celle-ci regroupe des barrières physiques (peau, muqueuses), des barrières chimiques (mucus, larmes) mais également, des cellules telles que les phagocytes et autres lymphocytes. Longtemps, la Science pensait avoir identifié l’essentiel de ces défenses mais cela était sans compter la notion d’immunité ancestrale.

Il s’agit là d’un champ de recherche de plus en plus exploré, comme l’indique une publication de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) le 24 juillet 2025, relatant une étude parue dans la revue Science le même jour. L’objectif ? Comprendre les liens évolutifs entre protéines bactériennes et humaines et plus précisément, identifier des protéines impliquées dans l’immunité innée chez l’humain alors que ces dernières dérivent de celles présentes chez les bactéries.

Un domaine protéique au rôle très important

A l’Institut Curie, une équipe de l’unité Immunité et Cancer (U932) a reconstitué l’histoire évolutive des gènes par phylogénie (ou phylogenèse). Les chercheurs ont mis en évidence chez l’humain la présence du domaine protéique SIRal, un homologue du domaine SIR2 chez les bactéries. Soulignons que SIR2 joue un rôle important contre les phages, des virus infectant les bactéries. Après l’entrée d’un phage, le domaine protéique déclenche la dégradation d’une molécule essentielle au métabolisme cellulaire et provoque la mort de la cellule infectée. L’objectif de cette action est de protéger le reste des cellules saines.

Le fait est que les scientifiques ont démontré le rôle de SIRal dans l’immunité innée chez l’humain, ainsi que sa capacité à dégrader une molécule indispensable au métabolisme cellulaire et à la production d’énergie : le Nicotinamide adénine dinucléotide (NAD). Cette découverte est d’autant plus intéressante qu’elle concerne non pas une seule protéine mais toute une famille habituellement présente dans 19 % des génomes eucaryotes analysés et répartis dans cinq grandes lignées.

SIRal schéma
Crédits : INSERM

De futurs traitements prenant en compte l’évolution bactérienne

Par ailleurs, les spécialistes ont démontré que SIRal agissait tel un régulateur central de la voie des récepteurs Toll-like receptors (TLR). Les TLR sont des récepteurs capables de détecter des signaux typiques des agents pathogènes. Ainsi, le SIRal pourrait faciliter l’expression des gènes pro-inflammatoires, puis le déclenchement de la réaction immunitaire. A l’inverse, la non présence du SIRal est synonyme d’une forte altération de la réponse inflammatoire, qu’il soit question d’une infection virale ou bactérienne.

« Avec SIRal, nous montrons que des éléments hérités des bactéries peuvent jouer un rôle central dans les mécanismes immunitaires eucaryotes, et notamment humains. Mais plus largement, l’immunité ancestrale nous donne accès à un réservoir insoupçonné de mécanismes immunitaires. », a déclaré Enzo Poirier, chef d’équipe à l’unité U932.

Pour les chercheurs, leur découverte est la preuve que si des mécanismes immunitaires d’origine bactérienne sont effectivement présents dans les organismes, ceux-ci font l’objet d’une conservation large au sein du vivant. De plus, il est potentiellement question d’une implication chez tous les organismes eucaryotes, incluant les humains. Les auteurs de l’étude estiment que leurs travaux peuvent ouvrir la voie vers la mise au point de traitements d’immunothérapie prenant en compte l’évolution bactérienne.

Yohan Demeure

Rédigé par Yohan Demeure

Licencié en géographie, j’aime intégrer dans mes recherches une dimension humaine. Passionné par l’Asie, les voyages, le cinéma et la musique, j’espère attirer votre attention sur des sujets intéressants.