Généralement présente dans le nattō, la nattokinase est une enzyme dont les vertus santé sont très souvent mises en avant. Pourtant, la grande majorité des études sur le sujet sont peu fiables, alors que les compléments alimentaires à base de nattokinase rencontrent un certain succès.
Une enzyme capable de « nettoyer » les artères ?
Dans les années 1980, le chercheur japonais Hiroyuki Sumi travaille sur le nattō, un aliment fermenté japonais traditionnel à base de graines de soja fermentées, assez souvent présent au petit déjeuner. Ce dernier se prépare en cuisant des fèves de soja, auxquelles on ajoute des bactéries Bacillus subtilis natto, avant fermentation. Ces bactéries donnent au nattō sa texture collante et filandreuse, dans laquelle Hiroyuki Sumi découvre une enzyme : la nattokinase.
En 1987, le chercheur nippon publie une étude sur la nattokinase dans la revue Cellular and Molecular Live Sciences. Il y explique que l’enzyme est capable de dissoudre des amas de protéines – les fibrines – jouant un rôle dans la coagulation du sang. Plus précisément, le scientifique décrit la fibrinolytique, c’est à dire la capacité à dissoudre les caillots de sang.
Au fil du temps, les recherches permettent d’isoler le gène codant l’enzyme dans l’ADN de la fameuse bactérie. Aujourd’hui, la nattokinase fait l’objet d’une production à grande échelle et incarne le principal composant de certains compléments alimentaires disponibles un peu partout. Généralement, les arguments markéting sont les suivants : nettoyage des artères, réduction de l’hypertension ou encore, décongestion des sinus etc. En somme, la nattokinase permettrait de se prémunir contre certaines maladies cardio-vasculaires.

Crédits : Catfaster / Wikipedia
Aucune preuve solide
Dans les faits, il existe très peu d’études sur la nattokinase et la plupart ont été menées sur des rats ou des cellules en laboratoire. Selon une publication de l’Organisation pour la science et la société de l’Université McGill (Canada) datant de 2023, les travaux dont il est ici question relèvent d’une posologie inadaptée à l’humain. La publication rapporte toutefois certains travaux démontrant la dissolution des caillots de sang, ou encore le brisement des plaques en lien avec la maladie d’Alzheimer. Cependant, ces études manquent de rigueur à différents niveaux, si bien qu’il est impossible de les considérer comme étant des preuves solides.
Rien qu’aux États-Unis, plus de 200 marques différentes commercialisent des complétements alimentaires contenant de la nattokinase. Pourtant, il existe très peu d’informations sur ce que devient l’enzyme après l’ingestion. La Science ignore si celle-ci se décompose grâce à l’acide de l’estomac. Si tel est le cas, un enrobage entérosoluble pourrait aider à acheminer l’enzyme vers l’intestin. Toutefois, rien n’indique si cette dernière est capable ou non de pénétrer dans le sang via la paroi intestinale.
En réalité, la Science donne du crédit à une seule étude portant sur le sujet. Il est question d’un essai randomisé mené par l’Université de Californie du Sud, dont les résultats ont fait l’objet d’une parution dans la revue Clinical Hemorheology and Microcirculation en 2021. Durant trois mois, les chercheurs ont suivi 265 personnes dans deux groupes, certains participants recevant des compléments à base de nattokinase et d’autres, un placebo. La conclusion des scientifiques était sans appel, soulignant l’absence de différence entre les deux groupes, que ce soit au niveau de la pression artérielle ou des marqueurs relatifs aux maladies cardiovasculaires.
