La salive humaine, bientôt une alternative à la morphine ?

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Utiliserons-nous bientôt un analgésique développé à partir de salive ? Une étude récente suggère que l’opiorphine retrouvée dans la salive humaine pourrait servir de base à une nouvelle forme d’analgésiques aux mêmes effets que la morphine, mais sans les effets secondaires.

La douleur est une sensation essentielle. Les terminaisons nerveuses de notre peau, nos tissus et nos organes sont activés par la chaleur, le froid, la pression ou encore par des produits chimiques libérés à partir de cellules après une lésion tissulaire. Les fibres de ces nerfs atteignent le système nerveux central, les neurones de la moelle épinière s’activent et se connectent à leur tour avec les neurones du cortex cérébral. Au final, c’est le cortex qui vous permet une perception consciente de la douleur. L’évolution nous a permis de produire une réponse rapide : il ne vous faut qu’une fraction de seconde pour retirer votre main de la flamme. Mais bien que la douleur soit essentielle à notre survie, sauf si vous avez des tendances masochistes, ressentir trop de douleur n’est pas une bonne chose, surtout si elle persiste.

Des millions de personnes vivent avec une douleur chronique. Maux de dos, douleurs articulaires ou douleurs neuropathiques (névralgie) peuvent rendre la vie des gens insupportable. Tout au long de l’histoire, nous avons recherché des substances pour contrer ces douleurs sourdes. Les analgésiques les plus puissants sont les opioïdes et la morphine en est un exemple. Comme la codéine et le fentanyle qui sont des opioïdes synthétiques, la morphine se lie aux récepteurs opioïdes situés sur des neurones dans la colonne vertébrale et inhibe leur activité, empêchant ainsi la signalisation de la douleur à notre cerveau.

Certaines de nos terminaisons nerveuses synthétisent également des enképhalines, une catégorie de neurotransmetteurs libérés par des neurones lors d’une sensation douloureuse trop intense. Leur rôle est l’inhibition des potentiels d’action responsables de la propagation du message douloureux jusqu’au cerveau. Mais alors, qu’est-ce que tout cela a à voir avec la salive ? Eh bien en 2006, un peptide appelé opiorphine a été retrouvé dans la salive humaine par des chercheurs de l’Institut Pasteur à Paris. Cette opiorphine ressemble à de l’enképhaline, mais plutôt que de se lier aux récepteurs opioïdes pour inhiber leur activité, elle empêche l’enképhaline de se décomposer. Ainsi, la quantité d’enképhaline — un analgésique naturel du corps — est augmentée et les signaux de douleur sont bloqués. Lorsque vous ressentez une douleur, les enképhalines sont libérées et l’opiorphine augmente leur action.

L’avantage de l’opiorphine est qu’elle n’affecte pas d’autres systèmes neuronaux. Contrairement à des opioïdes classiques, l’effet est donc localisé. En théorie, les effets désirables sur la douleur sont maintenus, mais sans les effets secondaires indésirables plus larges comme la toxicomanie ou la dépression respiratoire qui sont supprimés. Le seul problème avec l’opiorphine, c’est qu’elle se décompose dans le système digestif ou dans la circulation sanguine. Ainsi, les chercheurs de l’Institut Pasteur ont travaillé avec une entreprise, Stragen, pour créer une version modifiée de l’opiorphine, appelée STR-324, conçu pour assurer sa stabilité.

Le STR-324 devrait pouvoir être pris par voie orale ou par intraveineuse. Des tests récents effectués sur des rats ont montré que la réponse à la douleur pouvait se comparer à celle induite par la morphine. Dans quelques mois, la société de développement devrait pouvoir effectuer ses premiers tests cliniques.

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