Des fouilles à travers le monde révèlent régulièrement de nouveaux trésors riches en enseignements. Toutefois, il n’est pas forcément nécessaire de voyager à l’autre bout de la planète pour faire des trouvailles passionnantes. Avec son histoire riche, la France cache en effet encore d’innombrables mystères historiques qui ne demandent qu’à être découverts. Près de Dijon, en avril dernier, l’INRAP avait par exemple mis au jour un monument antique plutôt énigmatique. Cette fois, c’est au tour du département de l’Indre de livrer quelques-uns de ses secrets, et ils soulèvent finalement plus d’interrogations que prévu. Les restes de 28 chevaux bien préservés et savamment mis en scène datant d’environ 2000 ans ont été inhumés et pour l’heure, personne ne saurait expliquer précisément cette mise en scène. Sacrifices rituels ou compagnons de guerre : les spécialistes avancent quelques pistes fascinantes.
Des chevaux découverts dans une fosse dans le centre de la France
C’est en réalisant des fouilles sur un terrain de 1,3 hectare en prévision de la réalisation d’une déviation qu’une équipe est tombée sur un spectacle décrit comme « une spectaculaire mise en scène ». Le site avait déjà révélé des vestiges médiévaux datant de la fin du Ve et du VIe siècles. Toutefois, les chercheurs n’étaient visiblement pas au bout de leur surprise. Ils y ont en effet découvert des fosses contenant des chevaux. D’après la datation par radiocarbone, ces restes remonteraient à une période qui s’étale de la fin de la période gauloise au début de l’Antiquité romaine (soit 100 avant notre ère à 100 de notre ère) et pourraient ainsi avoir un lien avec un épisode de la Guerre des Gaules.
Pour l’heure, parmi les neuf fosses retrouvées sur le site, seules deux ont été intégralement fouillées. Dans la première se trouvaient dix chevaux complets disposés en deux rangs. La deuxième n’en contenait que deux, identiques aux autres. Au final, pas moins de 28 animaux, tous âgés de plus de quatre ans au moment de leur mort, de petite stature (1m20 de hauteur au garrot seulement, mais rien de surprenant pour le cheptel gaulois) et enterrés peu de temps après leur mort ont été retrouvés en tout. Tous furent par ailleurs placés dans la fosse sur leur flanc droit et la tête tournée vers le sud.

Les fouilles ont également mis au jour deux chiens moins bien préservés, cette fois avec la tête tournée vers l’ouest et couchés sur leur flanc gauche. Il s’agissait possiblement de chiens de guerre enterrés une centaine d’années avant les chevaux. Les fouilles continuent toutefois et pourraient révéler plus de restes. D’ailleurs, des restes de crânes et des os coxaux semblent déjà se dessiner en surface sur certaines zones du site.
Comment expliquer une telle mise en scène ?
Si plusieurs hypothèses ont ici été avancées, celle d’une épidémie au sein du cheptel (ou épizootie) a en tout cas été rapidement jugée moins probable, les juments et jeunes chevaux n’étant pas représentés dans les fosses. La recherche de parasites sur les restes continue toutefois. Néanmoins, le manque de données concernant les circonstances de la mort, qui peut finalement aussi bien être accidentelle que volontaire, ne facilite pas le travail de compréhension.
Cette mise en scène n’est toutefois pas sans en rappeler d’autres, découvertes ailleurs dans la plaine de Gergovie. Par exemple, en 2002, à Gondole (Puy-de-Dôme) une tombe rectangulaire contenait les restes de huit soldats de l’Âge du Fer et de leurs chevaux, tous couchés sur leur flanc droit. Comme l’explique Isabelle Pichon, archéologue pour l’INRAP, cette nouvelle découverte est « extraordinaire en raison de la rareté de ces trouvailles, mais c’est un mystère. (…) Ce que nous savons, c’est que ces chevaux ont été enterrés avec une attention particulière. Ils n’ont pas simplement été jetés dans la fosse, mais traités avec soin et respect », un détail qui rappelle l’importance particulière des chevaux chez les Gaulois qui les voyaient comme un animal de prestige.

Alors, tués pendant une bataille ou sacrifiés au cours d’un rituel complexe ?
« Nous pensons qu’en raison de l’emplacement des tombes, il pourrait y avoir un lien avec la guerre gauloise menée par Jules César au premier siècle av. J.-C. [lorsqu’il a conquis la France et la Belgique actuelles, NDLR], mais cela reste une théorie », ajoute l’archéologue. « Nous savons qu’une bataille importante a eu lieu ici et que l’armée romaine n’était pas loin [comme en témoignent des balles de fronde romaines trouvées non loin, NDLR]. Nous savons aussi que les Gaulois avaient ce type de petits chevaux, mais certains auxiliaires romains les utilisaient également. Des J’espère que les échantillons d’ADN que nous avons prélevés nous donneront des réponses. »
Il est pour l’heure difficile d’écarter totalement la théorie d’un rituel funéraire même si aucun objet ne se trouvait autour des chevaux sacrifiés et qu’il s’agirait dans ce cas d’un prélèvement particulièrement important dans le cheptel.
Dans tous les cas, cette découverte comme les autres réalisées par le passé permettent de mieux cerner les pratiques religieuses ou funéraires qui datent de la fin de l’âge du Fer et du début de l’époque romaine.
En conclusion, ces découvertes archéologiques fascinantes, qu’elles soient issues d’une mise en scène rituelle ou d’un épisode de guerre, témoignent de la richesse et de la complexité des pratiques culturelles et sociales de nos ancêtres. Chaque nouvelle trouvaille, comme celle des chevaux dans l’Indre, ouvre une fenêtre sur des mondes disparus et soulève de nouvelles questions qui enrichissent notre compréhension du passé. Ces mystères, souvent enfouis sous nos pieds, montrent que l’histoire reste un terrain fertile d’exploration et de découverte, non seulement pour les chercheurs, mais aussi pour l’imaginaire collectif. Que ce soit pour mieux comprendre nos origines ou pour nourrir la curiosité de chacun, ces fouilles nous rappellent que le passé, loin d’être figé, continue de nous parler.