Depuis quelques années, l’industrie spatiale est en pleine révolution grâce à un concept autrefois jugé impossible : la réutilisation des fusées. L’entreprise américaine SpaceX aura en effet marqué l’histoire en développant des fusées capables de revenir sur Terre et d’être relancées, ce qui réduit ainsi les coûts des missions spatiales de façon spectaculaire. Ce succès a poussé de nombreux acteurs, y compris des agences spatiales comme Roscosmos, en Russie, à reconsidérer leur approche.
Une révolution inspirée par SpaceX
La réutilisation des fusées, un concept qui semblait utopique il y a encore quelques années, a pris une nouvelle dimension avec SpaceX. En 2015, l’entreprise a réalisé un exploit technologique en réussissant à faire atterrir un premier étage de fusée sur Terre après son vol. Ce succès a alors marqué un jalon majeur dans le domaine spatial. L’année suivante, SpaceX a franchi un autre cap avec le premier atterrissage en mer de la fusée Falcon 9 sur une plateforme offshore. Ces avancées ont démontré la viabilité de la réutilisation des lanceurs dans des conditions plus difficiles, ouvrant alors la voie à une nouvelle ère pour l’exploration spatiale commerciale.
Ensuite, en 2017, SpaceX a effectué le premier vol d’un booster réutilisé, une étape importante pour prouver que non seulement la fusée pouvait être récupérée, mais aussi qu’elle pouvait être réutilisée pour un autre lancement avec succès. Jusqu’ici, chaque fusée n’était utilisée qu’une seule fois, ce qui rendait les lancements coûteux. En développant de premiers étages réutilisables, SpaceX a donc réussi à rendre ses missions beaucoup plus économiques. Désormais, les boosters de Falcon peuvent s’envoler plus d’une vingtaine de fois.
Des doutes, puis une évidence
Dès le départ, les agences spatiales mondiales ont dû se positionner face à cette innovation. Des acteurs majeurs, comme l’Agence spatiale européenne, l’agence spatiale japonaise ou encore la Chine, étaient notamment sceptiques à l’époque et ont continué à développer des lanceurs non réutilisables. Roscosmos, l’agence spatiale russe, n’était pas non plus convaincue, arguant en 2016 que ce modèle ne pouvait pas être rentable.
Face aux avancées rapides de la société d’Elon Musk, tous ces acteurs ont cependant dû repenser leur stratégie. C’est notamment le cas de l’agence spatiale nationale chinoise, qui développe actuellement un modèle de lanceur lourd directement inspiré du Starship de SpaceX. En parallèle, plusieurs entreprises chinoises privées testent aussi déjà des prototypes de fusées réutilisables. Certaines d’entre elles espèrent réaliser leur premier lancement orbital avec récupération du propulseur dans un an ou deux. L’Agence spatiale européenne développe aussi un programme similaire, nommé Themis, pour créer des lanceurs réutilisables. Bien qu’encore en phase de tests, les premiers essais de vol sont prévus pour 2025.
La Russie semble également plus ouverte aux changements. En 2020, Roscosmos avait en effet annoncé le lancement d’un projet inédit de fusée réutilisable nommé Amour. Ce lanceur sera doté d’un premier étage réutilisable équipé de moteurs qui fonctionnent au méthane et qui permet un atterrissage contrôlé, à l’image de la célèbre Falcon 9. Ce projet marque donc une étape importante pour Roscosmos, qui espère ainsi se repositionner sur le marché spatial international. Toutefois, le programme Amour a subi plusieurs retards. Initialement prévu pour un premier lancement en 2026, il est désormais repoussé à 2030.
Le Grasshopper russe : les premiers essais de réutilisation
Pour tester la capacité d’atterrissage vertical de la fusée Amour, Roscosmos prévoit la construction d’un prototype de véhicule de test surnommé Grasshopper. De manière symbolique et quelque peu provocatrice, ce modèle porte le même nom que le prototype de SpaceX qui a permis les premières expérimentations d’atterrissage vertical. Ce prochain véhicule effectuera plusieurs sauts dans le but de perfectionner la technologie. Roscosmos est encore en train de choisir le site de lancement pour ces essais qui marqueront une étape clé pour valider la faisabilité du projet Amour.
Ce projet démontre ainsi que la Russie s’engage enfin dans la course aux lanceurs réutilisables. Pourtant, les obstacles sont nombreux, et Roscosmos doit faire face à des défis technologiques et financiers de taille pour combler une décennie de retard. La réussite de ce projet pourrait néanmoins replacer la Russie en tant qu’acteur majeur dans cette nouvelle ère spatiale où l’innovation et l’économie de ressources sont primordiales.