Il y a environ 2 000 ans, un morceau d’os évidé a été utilisé comme récipient pour stocker des centaines de graines vénéneuses de la plante toxique jusquiame noire (Hyoscyamus niger). Cet os, provenant probablement d’une chèvre ou d’un mouton, a été découvert en 2017 à Houten-Castellum, une colonie rurale datant de la période romaine aux Pays-Bas.
Une plante aux propriétés médicinales et hallucinogènes
Les graines de jusquiame noire (Hyoscyamus niger), une plante appartenant à la famille des solanacées, sont reconnues pour leurs propriétés médicinales. Certains composés, tels que les alcaloïdes tropaniques (notamment l’atropine, la scopolamine et l’hyoscyamine), ont en effet des effets antispasmodiques et peuvent être utilisés pour soulager certains troubles gastro-intestinaux.
En raison de la présence d’alcaloïdes psychotropes, la jusquiame noire a également des effets hallucinogènes qui peuvent se manifester par une vision altérée, des états de rêverie et des expériences sensorielles modifiées. Cependant, il est important de noter que la jusquiame noire est une plante extrêmement toxique et que les effets hallucinogènes sont souvent accompagnés d’effets secondaires indésirables.
Cela étant dit, il est souvent difficile de déterminer si la présence de jusquiame noire sur des sites historiques indique qu’elle a été utilisée ou est apparue naturellement, car la plante pousse comme une mauvaise herbe. Des rapports suggèrent cependant que cette plante était utilisée à diverses fins au cours de l’histoire. Certaines cultures anciennes l’auraient notamment employée dans des pratiques rituelles ou chamaniques en raison de ses propriétés psychotropes.
Des écrits de la littérature classique antérieure indiquent également que la jusquiame noire était utilisée pendant la période romaine à des fins médicales et non récréatives. Des auteurs comme Pline l’Ancien ont décrit les effets des graines, mentionnant notamment qu’elles pouvaient provoquer « la folie et des vertiges ».
Cependant, avant cette découverte, aucune preuve physique de l’utilisation de cette plante toxique par les habitants de l’Empire romain n’avait été trouvée.
Des graines conservées « pour plus tard »
Dans ce cas particulier, les archéologues ont déterminé que les graines avaient été intentionnellement placées à l’intérieur d’un fémur animal (os de la cuisse) sculpté mesurant 7,2 centimètres de long. Pour assurer leur sécurité, le récipient avait été scellé avec un bouchon en écorce de bouleau noir. L’os a été daté entre 70 et 100 apr. J.-C. en se basant sur les styles de céramique et une broche en fil de fer trouvée dans la même fosse boueuse.
![Romains graines vénéneuses](https://sciencepost.fr/wp-content/uploads/2024/02/urn_cambridge.org_id_binary_20240201061419336-0900_S0003598X2400005X_S0003598X2400005X_fig5.png)
Cette découverte, en plus de fournir une preuve tangible de l’utilisation intentionnelle de graines de jusquiame noire dans les Pays-Bas romains, représente ainsi le premier cas connu de graines délibérément stockées pour une utilisation ultérieure.
Les détails de l’étude sont publiés dans le numéro d’avril de la revue Antiquity.