Rivière de Crac’h : des dauphins filmés dans le sud du Morbihan

dauphin
Crédits : Wikipédia

Plusieurs dauphins ont été aperçus par des riverains sur les berges de cette rivière du Morbihan. Un argument de plus pour les défenseurs de l’environnement qui luttent contre un projet de sentier littoral, dont le tracé pourrait nuire aux conditions de vie des multiples espèces animales qui trouvent refuge dans cet écosystème naturel aussi unique que fragile.

Des dauphins à la Trinité-sur-Mer. Sur la page de l’Association pour la protection de la rivière de Crac’h (APCR), une vidéo a attesté la présence des mammifères marins au large de la ville bretonne. Une bonne nouvelle pour les défenseurs de l’environnement, alors que se multiplient, depuis plusieurs années, les échouages de dauphins sur les côtes françaises. Entre le 1er décembre 2022 et le 30 avril 2023, près de 1 500 corps de dauphins ont ainsi été retrouvés sur les plages du littoral atlantique – un macabre record dû, principalement, aux captures accidentelles effectuées par les pêcheurs qui naviguent dans le golfe de Gascogne. Et encore ne s’agit-il là que de la partie émergée de l’iceberg, les experts estimant que le nombre réel de victimes des filets de pêche pourrait être cinq à dix fois plus élevé que celui des cadavres retrouvés et signalés par les promeneurs.

Un écosystème d’une richesse exceptionnelle…

C’est donc peu dire que la visite de dauphins au large de la Trinité fait, pour les activistes environnementaux comme pour les populations locales, figure de bonne nouvelle. D’autant plus que le site sur lequel les animaux ont été observés voisine celui de la rivière de Crac’h : une baie étroite, où se mêlent eau douce et océan, et qui représente par sa biodiversité unique en son genre un site aussi exceptionnel que fragile. Du fait de leurs caractéristiques spécifiques – eaux saumâtres, multitude de terre-pleins, digues et berges ostréicoles –, la rivière de Crac’h et ses alentours représentent un véritable paradis pour une grande variété d’oiseaux, qui y trouvent les conditions idéales pour nidifier.

Martin-pêcheur, grand javelot, spatule blanche, grande aigrette… : plus d’une soixantaine d’espèces ornithologiques ont, en effet, élu domicile autour de la rivière. Parmi elles, plus d’une quinzaine sont considérées comme étant menacées, et sept sont même classées comme étant « en danger » de disparition. La faute, là encore, aux activités humaines et, notamment, aux pratiques agricoles : en Bretagne encore plus que dans d’autres régions françaises, l’usage des engrais et pesticides a entraîné un effondrement des populations d’oiseaux, qui ont décliné jusqu’à -60 % par endroits. Le réchauffement climatique et la bétonisation effrénée, qui n’épargnent pas les terres bretonnes, ont achevé de fragiliser, par ricochet, des écosystèmes entiers.

… mais en sursis

Véritable oasis de biodiversité dans le désert agricole breton, le site de la rivière de Crac’h, ses singularités écologiques et sa subsistance même revêtent, à cet égard, une importance toute particulière pour les riverains comme pour les associations de défense de la nature. Les récentes observations de dauphins à proximité de la rivière devraient donc apporter de l’eau au moulin de celles et ceux qui, dans ce coin du Morbihan, se battent depuis plusieurs années pour la préservation de cet écosystème rare et sensible. Car la rivière de Crac’h est menacée, et avec elle tous ses habitants à écailles et à plumes : la faute, bien-sûr, au réchauffement climatique et à la montée du niveau de la mer, qui menacent de bouleverser ce fragile équilibre.

Mais pas que. La bétonisation, la pollution et l’artificialisation des sols, conjuguées à la simple présence, à proximité, d’êtres humains, portent autant de coups discrets mais violents à la tranquillité des animaux de la rivière de Crac’h. Dernier en date de ces projets d’aménagement à la légitimité contestée, un projet de sentier littoral concocté par les services départementaux pourrait, s’il respectait le tracé actuellement prévu, très sérieusement compromettre l’existence du site et la survie des animaux qui y trouvent refuge. Atteintes à la tranquillité des animaux, piétinement des digues et berges par les promeneurs, dégradation de la qualité de l’eau, budget… : la liste est longue des récriminations portées, notamment, par l’Association de protection des rivières de Crac’h (APRC).

Un projet de sentier « fait à l’envers »

« Le projet de sentier littoral sur la rivière du Crac’h menace tout l’écosystème local car il a été fait à l’envers », résume Marc Noyelle, le président de l’APRC, qui reproche, entre autres, à l’État de ne pas avoir attendu que soient conclues toutes les études nécessaires avant de dévoiler un tracé prévisionnel faisant fi des enjeux environnementaux de cette zone si particulière. Perçu par les locaux comme une véritable « autoroute piétonne » en pleine nature, le projet de sentier de la rivière de Crac’h n’est, d’ailleurs, pas sans évoquer d’autres aventures similaires. Ainsi du sentier, voisin, de la digue de Kerlioret, lui aussi conçu sans concertation et qui a rapidement dû être fermé à la circulation en raison de sa dangerosité pour les promeneurs.

Pour Marc Noyelle, il n’est pas impossible que l’afflux de nouvelles populations d’oiseaux à Crac’h soit la résultante de l’augmentation de la fréquentation touristique sur cet autre sentier, les volatils fuyant leur habitat d’origine pour un havre plus propice. Plus généralement, la polémique entourant le futur sentier de Crac’h a ceci de positif qu’elle met en lumière les ravages du surtourisme sur les écosystèmes naturels. Alors que la Bretagne devrait, réchauffement climatique oblige, attirer à elle de plus en plus de visiteurs échaudés par les canicules du Sud de la France, le cas du sentier de la rivière de Crac’h pourrait devenir emblématique de la mal-adaptation au dérèglement du climat – et de la résistance des habitants à ces projets d’aménagement mal pensés, inutiles et hérités d’un autre temps.