Richard III était roi d’Angleterre au XVe siècle. Plus d’une décennie après la découverte de ses restes, une équipe pluridisciplinaire d’experts a réussi à recréer son visage et reproduire le son sa voix. Résultat de ce projet intitulé « A Voice For King Richard III », un avatar numérique de la tête du roi médiéval a été présenté devant des amateurs d’histoire au York Theatre Royal et révise l’image de ce monarque, entachée par les scandales de son époque et la postérité.
Qui était Richard III ?
Richard III fut roi d’Angleterre de 1483 jusqu’à sa mort à la bataille de Bosworth en 1485, à l’âge de 32 ans. Son règne de deux ans, court, mais tumultueux, s’inscrit dans une période de grande instabilité pour l’Angleterre, marquée par des tensions récurrentes avec la France, notamment dans l’après-guerre de Cent Ans. Bien que dernier roi de la Maison Plantagenêt, une dynastie aux racines françaises, il reste donc une figure controversée.
Ce monarque anglais est notamment aujourd’hui connu par la postérité grâce à son immortalisation en tant que méchant éponyme dans une pièce de William Shakespeare. Un peu plus d’un siècle après sa mort, en 1592, l’écrivain anglais le dépeint en effet comme un roi bossu particulièrement cruel. Sa réputation a donc souffert après sa mort, en partie bien sûr à cause du dramaturge et poète, mais notamment aussi parce que son nom a été lié au meurtre de ses deux jeunes neveux et que certains le dépeignaient comme un voleur de trône.
Aujourd’hui, des historiens et spécialistes tentent toutefois de réhabiliter son image en questionnant la propagande de son époque.
Recréer son visage… et sa voix
Une équipe basée au Face Lab de l’université John Moores de Liverpool a créé cet avatar à partir de la reconstruction du crâne de Richard III (dont les restes ont été découverts sous un parking à Leicester, Angleterre, en 2012), ici réalisé avec l’aide d’un expert en craniofacial. Des spécialistes de divers domaines ont néanmoins également contribué à assembler les pièces du puzzle, notamment en orthophonie, dentisterie, psychologie légale et archéologie.
L’accent de Richard III, reproduit peu fidèlement depuis toujours
Lorsque l’équipe a travaillé sur sa voix, les choses se sont compliquées. Des acteurs shakespeariens célèbres, comme Laurence Olivier ou Ian McKellen, récitent en effet souvent les répliques de Richard avec une prononciation standard et un accent anglais associé aux classes moyennes et supérieures. Cependant, Richard a passé de nombreuses années dans le Yorkshire, une région du nord de l’Angleterre avec son propre accent. Cela rend donc l’accent utilisé jusqu’ici probablement inexact.
David Crystal, un linguiste spécialisé dans la prononciation du XVe siècle, a ici joué un rôle clé dans la détermination de la manière dont parlait le roi. Celui qui lui prête sa voix est Thomas Dennis, un acteur qui lui ressemble et qui a travaillé en étroite collaboration avec Yvonne Morley-Chisholm, une coach vocale, pour imiter le discours de Richard. Le duo a également examiné les lettres et le journal du roi, car pendant le Moyen-âge, la manière dont vous écriviez le mot se basait sur sa prononciation. Cela a permis de se rapprocher au maximum de la manière de parler du monarque anglais.
Lorsqu’elle parle de cette reconstitution, l’historienne Philippa Langley, qui a découvert les restes du roi en 2012, affirme que « nous avons les meilleurs experts dans leurs domaines qui travaillent là-dessus depuis dix ans et tout a été méticuleusement recherché, méticuleusement documenté, vous voyez donc la représentation la plus précise de Richard III ». Cette voix parvient en outre à montrer l’évolution de la prononciation anglaise au fil des siècles, des variations régionales à l’anglais standardisé.
Remettre l’histoire en question
Le résultat obtenu ici dépasse de loin les attentes des historiens et représente ainsi le portrait le plus authentique et réaliste de ce grand roi. Alors que Shakespeare le présentait comme manipulateur, rusé et cruel, les historiens débattent depuis longtemps de l’exactitude de cette image. Certains chercheurs pensent même qu’il était une figure empathique et un dirigeant compétent. Il est même décrit comme gentil, sincère, loyal, brave, pieux et juste par Philippa Langley sur la base de sources historiques.
Avec cet avatar parlant, le York Theatre Royal pose donc la question : « Était-il un homme bon ou un psychopathe meurtrier ? Maintenant, Richard III parlera pour lui-même. » Vous pouvez visionner ce travail de reconstitution ci-dessous.
Quoi qu’il en soit, les experts se projettent déjà dans de futurs projets qui impliqueront d’autres visages et voix célèbres du passé à recréer. Qui sera le prochain ? Affaire à suivre.
