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Retour sur la Lune : en choisissant SpaceX, la NASA fait un pari sur l’avenir

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Crédits : SpaceX

Récemment, la NASA a surpris tout le monde en sélectionnant SpaceX (et uniquement SpaceX) pour fournir son prochain atterrisseur lunaire habité. En misant sur le Starship, elle se donne ainsi les moyens de multiplier les missions à faibles coûts. De son côté, SpaceX aura également besoin de l’agence américaine pour aller sur Mars.

Il y a environ un an, la NASA annonçait l’attribution de trois contrats à Blue Origin, Dynetics et SpaceX pour entamer le développement de systèmes d’atterrissage permettant au prochain homme et à la première femme de se poser sur la Lune dès 2024.

Au cours de ces derniers mois, ces trois prestataires ont donc développé leur prototype. Les équipes de Blue Origin et de Dynetics ont soumis les conception les plus conventionnelles. Sur le papier, ces deux structures paraissaient efficaces, mais restaient dimensionnées pour n’amener que quelques astronautes à la surface de la Lune.

SpaceX, en revanche, a soumis une version de son véhicule Starship qui pourra transporter beaucoup plus de monde en un seul voyage en plus d’être entièrement réutilisable. Bien sûr, le Starship est également techniquement le plus exigeant des trois véhicules. Pour mener à bien ses missions sur la Lune et au-delà, les ingénieurs de la société vont en effet devoir développer la technologie permettant de ravitailler ses vaisseaux en méthane et en oxygène liquide en orbite terrestre basse. Mais la NASA voit plus loin que le bout de son nez.

Une offre beaucoup plus intéressante

Considérez ceci : le lanceur super-lourd SLS de la NASA pourra lancer 95 tonnes de charge utile en orbite terrestre basse. L’agence et ses sous-traitants pourront en construire un par an pour environ deux milliards de dollars par mission.

Les véhicules Starship et Super Heavy devraient quant à eux pouvoir livrer quasiment autant de charges en orbite basse. Cependant, SpaceX est déjà capable de construire un vaisseau par mois. Et à terme, chaque vaisseau sera capable de voler des dizaines de fois.

Imaginez alors le genre de programme spatial que la NASA pourrait développer avec la capacité de lancer cent tonnes en orbite toutes les deux semaines au lieu d’une seule mission annuelle pour deux milliards… Sur le papier, il n’y a tout simplement pas photo. Dans leur décision de sélectionner SpaceX, les responsables de la NASA ont donc su reconnaître ce potentiel.

Pour autant, ce n’était pas gagné d’avance. Au regard de certains, il paraissait en effet difficile d’imaginer la NASA considérer pleinement le Starship avant que celui-ci ne réussisse à atterrir sans dommage, ce qui n’est pas encore tout à fait le cas. Les capacités de SpaceX à construire et lancer autant de Starship depuis le sud du Texas au cours de ces derniers mois ont visiblement suffi à convaincre.

La NASA financera donc SpaceX à hauteur de 2,89 milliards de dollars pour une première mission sans équipage vers la Lune, suivie d’une seconde avec équipage. Autrement dit, lorsque les astronautes de la NASA reviendront sur la Lune dans quelques années, ils le feront à l’intérieur d’un véhicule de cinquante mètres de haut. Cette vision tranche avec le module lunaire de sept mètres de haut à l’intérieur duquel Neil Armstrong et Buzz Aldrin s’étaient entassés pour se poser sur le sol lunaire en juillet 1969.

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Crédits : Trevor Mahlmann

SpaceX a aussi besoin de la NASA

Les ingénieurs de SpaceX sont désormais les meilleurs au monde pour concevoir, construire et piloter de nouvelles fusées innovantes. Toutefois, pour aller sur Mars, puisque telle est l’ambition de la société, construire de grandes fusées ne suffira pas. SpaceX aura en effet besoin de s’appuyer sur d’autres capacités nécessaires pour assurer la survie des humains sur la planète rouge. C’est là que la NASA entre en jeu.

L’agence mène en effet des études sur les missions dans l’espace lointain depuis des décennies et travaille également sur les problèmes de recyclage d’air, d’eau et d’autres consommables à bord de l’ISS depuis des années, tandis que dans ces domaines, SpaceX n’a qu’une expérience limitée.

En outre, toute mission humaine sur Mars soulèvera des questions de protection planétaire et d’autres préoccupations internationales. Une agence gouvernementale sera également nécessaire pour par exemple faciliter le développement de l’énergie nucléaire sur la planète Mars. Avoir la NASA aux côtés de SpaceX pourrait donc aider à résoudre tous ces défis.

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Panorama martien capturé par le rover Perseverance. Crédits : NASA/JPL

Le problème de la SLS

Une question se pose alors : pourquoi la NASA finance-t-elle un système de lancement qui sera directement en concurrence avec son booster SLS ? Ce n’est pas encore très clair. Pour l’heure, il est encore prévu que le SLS et son vaisseau spatial Orion soient une partie essentielle de l’architecture d’Artemis. Et pour cause, le développement de ces structures fournit des emplois dans les cinquante États américains et soutient des centaines de petites entreprises. En revanche, le Starship est plutôt perçu comme un programme « tueur d’emplois », du point de vue du Congrès.

Aussi, dans le cadre du plan actuel, nous allons devoir composer avec trois structures. Une fusée Super Heavy lancera un vaisseau Starship en orbite lunaire. Quelques jours plus tard, une fusée SLS lancera un équipage à l’intérieur d’un vaisseau spatial Orion qui accostera avec le Starship autour de la Lune. L’équipage sera transféré vers le Starship qui le déposera sur la Lune. Pour le retour, ce sera le même principe.

Toutefois, ce « ménage à trois » pourrait n’être que temporaire. À terme, si le Starship est capable de transporter des humains vers la Lune directement depuis la Terre, on imagine en effet difficilement la NASA s’encombrer avec des budgets à plus de deux milliards par mission, tout en supportant un nombre limité d’occupants à bord.