La couche d’ozone se rétablit, mais une nouvelle menace pointe déjà le bout de son nez

Crédits : Wikimedia Commons / SpaceX.

Suite aux mesures internationales prises dès la fin des années 1980, la couche d’ozone s’est peu à peu reconstituée et devrait continuer à le faire au cours des prochaines décennies. Or, selon une étude menée par des chercheurs de l’Université de Canterbury (Nouvelle-Zélande), cette perspective risque d’être remise en question par l’essor de l’industrie aérospatiale. Les résultats ont été publiés dans le Journal of the Royal Society of New Zealand le 2 février 2023.

Un rapport des Nations-Unies indiquait que les mesures de protection de la couche d’ozone prises à la fin des années 1980, telles que l’interdiction des CFC, étaient en passe de porter leurs fruits. Aussi, au rythme actuel, les niveaux d’ozone devraient retrouver leurs valeurs de référence dès 2040 au niveau mondial et aux alentours de 2060 au-dessus de l’Antarctique. Il s’agit toutefois d’un scénario qui suppose l’absence d’autres perturbations de la chimie stratosphérique.

L’effet délétère des lanceurs spatiaux sur la couche d’ozone

Une équipe de chercheurs attire l’attention sur la menace que représentent les lancements de fusées et autres roquettes destinés à la mise en orbite des engins spatiaux, en particulier dans l’optique d’une industrie future bien plus développée. En effet, ces appareils traversent la haute atmosphère en émettant toutes sortes de gaz et de particules. Les efforts accomplis depuis la signature du protocole de Montréal en 1987 risqueraient donc d’être émoussés.

Les scientifiques ont analysé en détail les impacts de six composés : le chlorure d’hydrogène, les oxydes d’azote, le dioxyde de carbone, la vapeur d’eau, le carbone suie et l’alumine. Que ce soit de façon directe par la chimie ou de façon indirecte via la température, ces composés accélèrent les réactions de destruction de l’ozone. L’augmentation de leurs concentrations à haute altitude, là où leur temps de résidence est particulièrement long, est par conséquent source d’inquiétudes.

couche d'ozone
Évolution du nombre de lancements de fusées (noir) et de satellites (bleu) chaque année depuis le début du vingt-et-unième siècle. Crédits : Tyler F. M. Brown & coll. 2023.

Maîtriser les émissions d’une industrie en plein essor

Sur les cinq dernières années, ces lancements sont passés de 90 à 190 par an, une tendance qui devrait se poursuivre et même s’accélérer au vu des prévisions. La question des rejets de gaz et de particules par les lanceurs spatiaux doit donc être mise au centre des discussions afin d’anticiper toute atteinte profonde à ce précieux bouclier qui nous protège des rayons ultraviolets du Soleil.

« On estime que l’impact actuel des lancements de fusées sur la couche d’ozone est faible, mais il pourrait s’accroître à mesure que les entreprises et les nations développent leurs programmes spatiaux », alerte Laura Revell, auteure principale de l’étude. « La reconstitution de la couche d’ozone est une réussite mondiale. Nous voulons nous assurer que les futurs lancements sont compatibles avec cette régénération ».

C’est précisément ce type de discussions que l’étude a l’ambition d’éclairer. Elle propose plusieurs actions, dont la mesure in situ des émissions (par exemple dans le cas des carburants composés de méthane, aux rejets encore mal connus), la prise en compte de la problématique de l’ozone dès la conception des lanceurs, le passage par un banc de tests en conditions contrôlées avant la mise sur le marché ou encore le partage transparent des données avec les chercheurs. On rappelle qu’à l’heure actuelle, les émissions des lanceurs demeurent non régulées.

« L’élaboration de lancements de fusées durables à l’échelle mondiale va nécessiter une coordination entre les entreprises aérospatiales, les scientifiques et les gouvernements. C’est réalisable, mais nous devons commencer dès maintenant », souligne Michele Bannister, coauteure de l’étude. « C’est notre chance de prendre une longueur d’avance ».