Des spécialistes de la désextinction ont tenté de ramener le rat de l’île Christmas d’entre les morts. L’espèce avait été exterminée en Australie il y a un peu plus d’un siècle. Pour ce faire, ils se sont appuyé sur une espèce apparentée : le rat brun. Les détails de l’étude sont publiés dans la revue Current Biology.
La désextinction est le processus de génération d’un organisme qui ressemble ou est une espèce éteinte. Le clonage est la méthode la plus largement proposée. Il existe également une méthode appelée « rétroélevage », une forme d’élevage sélectif visant à retrouver une caractéristique ancestrale qui peut ne pas être observée aussi fréquemment dans l’espèce. Cette méthode peut ainsi recréer les traits d’une espèce éteinte, mais le génome sera toujours différent de l’espèce d’origine.
Beaucoup de chercheurs s’intéressent également à une troisième option : l’édition du génome. Cette technique propose de tirer parti des progrès récents de la technologie d’édition de l’ADN ancien (ADNa) et du génome pour potentiellement faire revivre des espèces éteintes. Son potentiel reste néanmoins limité par le degré auquel le génome de l’espèce éteinte peut être reconstruit.
Dans le cadre d’une étude, une équipe dirigée par le généticien évolutionniste Tom Gilbert, de l’Université de Copenhague, a exploré cette question en utilisant comme modèle le rat de l’île Christmas.
« Il y aura toujours une sorte d’hybride »
Le rat de l’île Christmas (Rattus macleari) était originaire d’Australie. Il pouvait atteindre environ 45 cm de la tête à la queue, avait de grandes dents, une fourrure longue et épaisse, et des moustaches noires mesurant près de huit centimètres. L’espèce a été anéantie il y a environ 120 ans en même temps qu’une autre espèce endémique de l’île, nommée Rattus nativitatis, probablement à cause d’une maladie apportée par le Rat noir (Rattus rattus) lors de son introduction sur l’île par les Européens.
Dans le cadre de ces travaux, les chercheurs ont d’abord reséquencé la quasi-totalité de son génome avant de le comparer avec sur les génomes de référence de différentes autres espèces de rats.
D’après ces analyses, celui de l’île Christmas partageait environ 95 % de ses gènes avec le rat brun. Ainsi, près de 5 % de la séquence du génome était irrécupérable (1 661 gènes récupérés à moins de 90 % d’exhaustivité et 26 complètement absents). Malgré tout, cela fait du rat brun un bon modèle de référence moderne.
Ensuite, les chercheurs ont identifié les parties des génomes qui ne correspondent pas, puis ont utilisé la technologie CRISPR pour éditer l’ADN de l’espèce vivante afin qu’il corresponde à celui de l’espèce éteinte. Autrement dit, des rats bruns de Norvège se transformeront bientôt en rats de l’île Christmas. Enfin, pas tout à fait. En effet, quelques gènes clés manquaient, notamment ceux permettant de traiter les odeurs. « Avec la technologie actuelle, il peut être totalement impossible de récupérer la séquence complète et il est donc impossible de générer une réplique parfaite du rat de l’île Christmas« , souligne Tom Gilbert. « Il y aura toujours une sorte d’hybride. »

Une base pour le mammouth ?
En conclusion, les chercheurs pensent qu’il est malheureusement peu probable que des efforts sérieux soient tentés pour ramener une espèce de rat. Néanmoins, en utilisant comme exemple ici des espèces de rats éteintes et existantes étroitement apparentées, ils soulignent que l’ampleur du défi ne fera que se multiplier à mesure que la divergence évolutive entre les espèces éteintes et vivantes augmentera.
Les chercheurs espèrent que leur approche pourra offrir un cadre que d’autres pourront envisager lors de l’exploration de la viabilité d’autres projets de désextinction proposés. Ils pensent notamment au mammouth laineux, dont la divergence évolutive avec l’éléphant d’Asie est similaire à celle du rat brun et du rat de l’île Christmas.