Le réchauffement des eaux amènera les bébés requins à naître plus petits, plus fatigués et moins bien nourris d’après une étude scientifique publiée ce mardi. Leurs chances de survie seront donc encore largement amoindries.
Carolyn Wheeler, qui partage ses études entre l’Université du Massachusetts (Boston) et le Centre d’excellence de l’ARC pour les études sur les récifs coralliens de l’Université James Cook, a passé la première moitié de son doctorat à travailler sur les effets de la température océanique sur le développement et les performances physiologiques des embryons et nouveau-nés de requin-épaulette (Hemiscyllium ocellatum).
Vous retrouverez cette espèce dans les eaux tropicales peu profondes au large de l’Australie et de la Nouvelle-Guinée, et notamment au sein de la Grande Barrière de Corail. Notez que le nom commun de ce requin vient de la grande tache noire à marges blanches située derrière chaque nageoire pectorale qui rappelle un peu les épaulettes militaires.
Le changement climatique provoquant le réchauffement des océans pourrait toutefois avoir de sérieuses conséquences sur ces poissons. Dans le cadre de leurs travaux, Wheeler et son équipe ont en effet examiné la réponse d’embryons dans des bassins affichant des températures jusqu’à 31°C. Et pour cause, nous savons que les eaux de la Grande Barrière de Corail connaîtront probablement des moyennes estivales proches ou même supérieures de cette température d’ici 2100.
Des requins plus petits et plus fragiles
Résultats : « plus les conditions étaient chaudes, plus tout se passait vite, ce qui pourrait être un problème pour les requins« , explique la chercheuse. « Les embryons ont grandi plus vite et ont utilisé leur sac vitellin (leur seule source de nourriture à mesure qu’ils se développent dans l’oeuf) plus rapidement« . Les nouveau-nés sont alors tous nés en avance en étant plus petits. En outre, ils devaient également se nourrir quasi immédiatement tout en manquant significativement d’énergie.
La chercheuse rappelle également que les requins ovipares ne prennent pas soin de leurs œufs après la ponte et qu’un œuf de requin doit pouvoir survivre sans protection pendant au moins quatre mois. Elle note également que la hausse des températures océaniques sera préoccupante non seulement pour les requins-épaulettes, mais aussi pour toutes les autres espèces, qu’elles soient ovipares ou vivipares.
« Le requin-épaulette est connu pour sa résilience aux changements, même à l’acidification des océans« , explique-t-elle. « Donc si cette espèce ne peut pas faire face au réchauffement des eaux, comment se comporteront d’autres espèces moins tolérantes ? »
L’avenir s’annonce ainsi compliqué pour ces poissons à croissance lente déjà menacés de disparaître. Rappelons en effet que selon la liste rouge mondiale des espèces menacées dressée par l’Union internationale pour la conservation de la nature, environ 60 % des requins pélagiques sont actuellement en danger d’extinction.
« Les requins sont des prédateurs importants qui maintiennent la santé des écosystèmes océaniques. Sans prédateurs, des écosystèmes entiers peuvent s’effondrer, c’est pourquoi nous devons continuer à étudier et à protéger ces créatures« , note la chercheuse. « Nos futurs écosystèmes dépendent de notre action urgente pour limiter le changement climatique« .