Depuis déjà quelques années, la résistance aux antibiotiques est une préoccupation très importante en matière de santé publique. Aux États-Unis, des chercheurs ont démontré de l’efficacité de certaines molécules anciennes. Or, ces molécules « appartenaient » aux Néandertaliens et aux Dénisoviens. En revanche, ce n’est pas sans poser des questions éthiques.
Des molécules anciennes efficaces
En 2020, l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) avait tiré la sonnette d’alarme au sujet de la résistance aux antibiotiques (ou antibiorésistance). Élément crucial de la médecine moderne depuis les années 1920, les antibiotiques ont permis de lutter efficacement contre de nombreuses maladies bactériologiques. Cependant, les bactéries ont progressivement évolué et sont devenues résistantes à ces produits. Aujourd’hui, ces traitements sont donc de moins en moins efficaces et cela représente un problème de santé publique majeur. Selon l’OMS, dix millions de personnes pourraient mourir d’ici 2050 si rien n’est fait. Cette menace pour l’humanité a d’ailleurs été comparée avec celle du réchauffement climatique.
Toutefois, des travaux pilotés par l’Université de Pennsylvanie (États-Unis) pourraient déboucher sur l’apparition d’une solution viable. Dans une publication dans la revue Cell Host & Microbe datée du 28 juillet 2023, des scientifiques expliquent en effet avoir montré l’efficacité de certaines molécules anciennes. Or, ces molécules vieilles de plusieurs dizaines de milliers d’années ont été « ressuscitées » à partir d’organismes de Néandertaliens et de Dénisoviens. Les premiers ont disparu il y a environ 40 000 ans et les seconds, il y a entre 30 000 et 15 000 ans.

Vers la découverte d’autres antibiotiques ?
Afin de prouver l’efficacité de ces cellules dans la lutte contre l’antibiorésistance, les chercheurs ont rassemblé des génomes notamment prélevés sur des os par des paléontologues. Ensuite, ils ont entraîné une IA afin de définir quelles molécules pourraient agir sur l’organisme d’un être humain du XXIe siècle. Après des tests effectués sur des souris, certaines cellules ont été capables de lutter contre certaines infections bactériennes avec efficacité. Par ailleurs, un terme est né de ces expériences : la désextinction moléculaire.
Pour les auteurs de l’étude, leur méthode pourrait permettre de découvrir d’autres antibiotiques. Surtout, comme l’explique Jonathan Stokes, professeur de biochimie à l’université McMaster d’Hamilton (Ontario), qui n’a pas participé à l’étude : « cette technique va […] nous aider à découvrir la structure et le fonctionnement thérapeutiques de nouvelles bactéries qui surpassent les mécanismes de résistance existants ».
Si l’espoir est naturellement permis, la technique soulève quelques questions d’ordre éthique et philosophique. Quid de l’obtention des droits pour ressusciter des molécules d’hommes préhistoriques ? Et qui en sera propriétaire ? Pour l’instant, ces questions restent sans réponse, mais il s’agit tout de même d’une barrière à franchir avant d’aller plus loin.