Une étude livre des preuves scientifiques inédites soutenant un lien entre le stress et les cheveux gris. Les chercheurs ont également identifié les protéines qui semblent conduire ce processus. Et selon eux, il pourrait même s’inverser.
La légende raconte que Marie-Antoinette, dernière reine de France, vit sa chevelure devenir complètement blanche dans la nuit précédant sa montée sur l’échafaud, le 16 octobre 1793. Ce syndrome de « canitie subite », comme on l’appelle, qui se caractérise par un blanchissement très rapide de la chevelure, aurait également été constaté par des combattants de la Seconde Guerre mondiale. Ce phénomène en particulier n’a pas été observé scientifiquement. En revanche, de plus en plus de preuves suggèrent que le stress peut effectivement accélérer le processus de blanchiment de nos cheveux.
Pourquoi nos cheveux deviennent-ils blancs ?
La pigmentation de nos cheveux provient de la mélanine (un terme regroupant des pigments biologiques de couleurs foncées). Ces pigments sont produits par les granules de mélanocytes dans le bulbe du follicule pileux, au contact des kératinocytes, qui produisent le cheveu en se multipliant. Avec le temps, le nombre de mélanocytes diminue progressivement. Autrement dit, il y a de moins en moins de pigments disponibles, tant et si bien qu’au bout d’un moment, nos cheveux virent au gris, et finalement au blanc.
Toutefois, le temps n’est pas le seul facteur responsable de la perte de nos mélanocytes. Dans le cadre d’une étude publiée en janvier dans Nature, une équipe de chercheurs s’est aperçue qu’en cas de stress profond, la noradrénaline, un neurotransmetteur du système nerveux sympathique qui jour un rôle de premier plan dans la réponse au stress, pouvait être absorbé par les cellules souches de mélanocytes. En conséquence, les mélanocytes s’activent et le réservoir souche de pigments tend à s’épuiser très rapidement.
Cependant, ces travaux avaient été menés chez la souris. Et ce qui se produit chez la souris ne se traduit pas nécessairement chez l’Homme.
Un lien clairement établi
Dans le cadre d’une autre étude publiée il y a quelques jours dans la revue eLife, des chercheurs de l’Université de Columbia ont également examiné le lien entre le stress psychologique et le grisonnement des cheveux, cette fois chez les humains.
Pour ces travaux, les scientifiques ont enrôlé quatorze volontaires à qui on a demandé de tenir des « journaux de stress ». Ces personnes ont ensuite fourni des échantillons de cheveux, que les scientifiques ont divisé en tranches un vingtième de millimètre de large. Chaque tranche représentait environ une heure de croissance des cheveux. En les analysant un scanner haute résolution, les chercheurs se sont ainsi donné les moyens de cartographier le degré de grisonnement (invisible à l’oeil nu) sur une échelle de temps.
Au terme de ces analyses, les chercheurs ont effectivement souligné des « associations frappantes » entre les événements de stress rapportés dans les journaux et le grisonnement des cheveux.
Un processus… réversible
Plus surprenant, ils ont également rapporté une inversion de ce processus de grisonnement à mesure que le stress était atténué. Cinq cheveux sur la tête d’une personne partie en vacances seraient ainsi « redevenus noirs pendant ses congés, synchronisés dans le temps« , rapporte Ayelet Rosenberg, principale auteure de l’étude. Un tel phénomène n’avait jamais été quantitativement documenté, selon les chercheurs.
Au cours de ces travaux, les scientifiques ont également mesuré les niveaux de milliers de protéines différentes sur la longueur des cheveux. Ils ont alors identifié des changements chez trois cents d’entre elles à mesure que les cheveux tournaient au gris. Grâce à un modèle mathématique, l’équipe a ensuite lié ces altérations aux changements induits par le stress dans les mitochondries.
Si le fait de réduire le stress pourrait effectivement inverser le processus de canitie, ne comptez toutefois pas dessus pour retrouver la couleur de vos cheveux d’antan. Le temps est un facteur beaucoup plus redoutable. En revanche, des changements subtils pourraient s’opérer chez les personnes d’âge moyen.
« Sur la base de notre modélisation mathématique, nous pensons que les cheveux doivent atteindre un certain seuil avant de devenir gris« , note la chercheuse. « À l’âge moyen, lorsque les cheveux sont proches de ce seuil en raison de l’âge biologique et d’autres facteurs, le stress les poussera au-delà du seuil et ils passeront au gris« . En cas de réduction du stress, il pourrait donc être possible de les ramener en dessous de ce seuil… pour un temps !
Ces découvertes ouvrent de nouvelles perspectives fascinantes pour la recherche sur le vieillissement et la gestion du stress. Elles suggèrent que le lien entre le corps et l’esprit est encore plus étroit qu’on ne le pensait, offrant une piste pour de futurs traitements visant à ralentir, voire inverser certains effets du vieillissement. Si le grisonnement des cheveux peut être influencé par le stress, qu’en est-il d’autres processus biologiques liés à l’âge ? Cette question reste en suspens, mais elle pourrait bien transformer notre compréhension du vieillissement et des moyens d’y faire face.