Le recul des glaciers de Thwaites et de l’Île du Pin, sans précédent depuis (au moins) 5500 ans

Credit: Nasa

Une étude dirigée par l’Université du Maine (États-Unis) et le British Antarctic Survey appuie le caractère exceptionnel du recul constaté depuis une trentaine d’années pour deux glaciers phares de l’Antarctique. Les résultats ont été publiés dans la revue Nature Geoscience le 9 juin dernier.

Situés en Antarctique de l’Ouest, les glaciers de Thwaites et de l’île du Pin ont récemment gagné en popularité, et ce, pour d’assez mauvaises raisons. En effet, c’est bien souvent à l’aune de leur instabilité et de la menace qu’ils représentent en termes d’élévation du niveau des mers qu’ils sont considérés. À eux deux, ils dominent la perte de masse observée au niveau de la calotte occidentale.

Plusieurs millénaires de stabilité des glaciers effacés en quelques décennies

Une nouvelle étude permet de mieux apprécier l’ampleur des changements en cours. Elle indique que le recul de ces glaciers est actuellement sans précédent depuis plus de 5500 ans. Autrement dit, même dans le climat relativement chaud du milieu de l’Holocène, les deux mastodontes n’ont pas connu de récession aussi conséquente. Cette donnée confirme donc l’ampleur inédite du réchauffement contemporain.

Pour arriver à ces conclusions, les chercheurs ont reconstitué les successions de soulèvements et d’enfoncements du substratum régional survenus sur les derniers millénaires, un marqueur indirect des reculs et des avancées glaciaires. Plus précisément, quand les glaces gagnent du terrain, le sol s’enfonce et inversement lorsqu’elles recèdent.

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Géographie de la région occupée par les glaciers de Thwaites et de l’île du Pin (Pine Island Glacier). Crédits : S. Braddock & coll. 2022.

De ce point de vue, l’étude des fossiles que sont les coquillages et autres os d’oiseaux est riche d’enseignements puisqu’elle permet d’identifier les périodes où le substratum correspondait à des rivages et celles où, à l’inverse, ce dernier était surélevé par rapport au niveau marin. En pratiquant la datation au radiocarbone sur les fossiles, il est possible de dater les divers épisodes.

« Bien que ces glaciers vulnérables aient été relativement stables au cours des derniers millénaires, leur taux de recul actuel s’accélère et élève déjà le niveau des mers », relate Dylan Rood, coauteur de l’étude. « Ces artères vitales au cœur de la calotte antarctique occidentale ont été rompues, entraînant une accélération de l’écoulement vers l’océan potentiellement désastreuse pour le niveau futur des mers dans un monde qui se réchauffe ».

Avec une surface de 192 000 km² et 162 000 km² respectivement, les glaciers de Thwaites et de l’Île du Pin ont vu leur vitesse de retrait doubler depuis trente ans. Cette observation pose la question d’une potentielle irréversibilité dans le processus de déstabilisation enclenché par le réchauffement global. « Un tel retrait est susceptible de déclencher une importante perte de glace (…), contribuant jusqu’à 3,4 m au niveau mondial des mers ces prochains siècles », notent les auteurs.