Le record de la plus longue gestation chez les mammifères est peut-être tombé

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Une baleine boréale et son petit dans l'Arctique canadien. Crédits : Justine Hudson/Fisheries and Oceans Canada

Il est communément admis que les éléphants détiennent le record de la plus longue gestation chez les mammifères. Celle-ci peut varier légèrement en fonction de l’espèce, mais en général, elle dure en moyenne entre 22 mois. Cette longue période de gestation est une adaptation évolutive permettant de donner naissance à des petits suffisamment développés pour survivre dans leur environnement souvent difficile. Cependant, ce record pourrait finalement tomber. Une étude suggère en effet que les baleines boréales ont une période de gestation un peu plus longue. 

Des animaux encore énigmatiques

Balaena mysticetus, plus communément connue sous le nom de baleine boréale ou de baleine du Groenland, est une espèce retrouvée dans les eaux froides et glacées de l’Arctique. Physiquement, imaginez des spécimens de plus de dix-sept mètres de long au corps massif avec une grande bouche équipée de fanons utilisés pour filtrer les proies de l’eau. Des études ont également montré que certaines de ces baleines pouvaient vivre très longtemps, parfois jusqu’à plus de 200 ans.

Cependant, en raison de leur nature discrète et de leur habitat éloigné, les baleines boréales demeurent relativement peu étudiées par rapport à d’autres espèces. On ignore donc encore beaucoup de choses à leur sujet. La question de la durée de gestation fait notamment encore débat. De nouveaux travaux dirigés par la biologiste marine Nadine Lysiak nous éclairent toutefois un peu plus.

Une gestation de 23 mois

Étudier des mammifères comme les baleines boréales n’est pas simple. En général, les scientifiques s’appuient sur des observations ponctuelles ainsi que sur des carcasses échouées sur les côtes. Pour cette recherche, l’équipe du Dr Lysiak a examiné des échantillons prélevés sur une dizaine de spécimens prélevés par des chasseurs inuits dans l’est de l’Arctique canadien et l’ouest du Groenland de 1998 à 2011.

L’étude s’est appuyée sur les fanons. Alors que les échantillons de tissus de graisse ou de peau fournissent un instantané à un moment donné de la vie d’un animal, ces structures filandreuses, qui fleurissent à partir de la gencive, conservent un enregistrement moléculaire des hormones circulantes du corps. Ici, les chercheurs ont mesuré les concentrations de trois hormones : la progestérone, l’estradiol, et la corticostérone. La première est produite peu de temps avant et pendant la grossesse. La seconde, aussi connue sous le nom d’œstrogène, est libérée en grandes quantités lorsqu’un animal entre en chaleur. Enfin, la corticostérone est un biomarqueur du stress qui joue également un rôle dans le développement du fœtus.

L’analyse des données a révélé deux poussées massives de progestérone, dont la durée moyenne était de 23,6 mois (± 1,50 mois), ce qui est considérablement plus long que la gestation d’environ quatorze mois précédemment estimée pour cette espèce.

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Une baleine boréale photographiée au large du Groenland. Crédits : QueGar3

Des interrogations subsistent

Une explication de ces données suggérait deux scénarios. Dans l’un, les baleines n’étaient pas enceintes lors de la première poussée de progestérone, mais connaissaient plutôt un état prolongé d’ovulation. Le second pic de progestérone, d’une durée d’environ quatorze mois, aurait ensuite eu lieu lorsque le mammifère marin était réellement enceint. Dans l’autre scénario, la grossesse de la baleine boréale dure effectivement 23 mois. Un phénomène en particulier pourrait expliquer cette étonnante longévité : l’implantation retardée, également connue sous le nom de diapause embryonnaire.

Concrètement, lorsqu’un ovule fécondé se transforme en embryon, il y a un moment où le corps de la mère peut suspendre la grossesse. Il s’agit d’un avantage de survie permettant au corps de la mère de décider du bon moment pour avoir le bébé. Selon les espèces, cette pause peut durer de quelques jours à onze mois. Ce phénomène se produit chez beaucoup d’animaux terrestres, ainsi que chez beaucoup de mammifères marins comme les phoques, les ours, les loutres. Cependant, les baleines à fanons n’étaient jusqu’à présent pas concernées.

Bien que des recherches supplémentaires soient nécessaires pour déterminer si les grossesses des baleines boréales durent effectivement 23 mois, ce qui représenterait un nouveau record, ces nouveaux travaux publiés dans la revue Royal Society Open Science livrent un éclairage sur les complexités sous-jacentes à la croissance de la population de baleines. Or, ces connaissances pourraient un jour guider les efforts de conservation.