Réchauffement de l’Arctique : la contribution des dépôts de suie a été largement surestimée

glace neige
Crédits : flickr / lns1122.

La zone arctique devient de moins en moins réfléchissante, ce qui accélère son réchauffement. Dans une étude parue le 11 novembre, des chercheurs ont quantifié les contributions respectives de la neige, de la glace et des dépôts de carbone noir à cette tendance. Les résultats obtenus permettent de mieux hiérarchiser les processus impliqués dans les bouleversements en cours dans le grand nord. 

La région polaire boréale se réchauffe 2 à 3 fois plus vite que la moyenne mondiale. À ce titre, on parle souvent d’amplification polaire – ou d’amplification arctique. Le fait que cette zone géographique soit particulièrement réactive découle pour partie de la présence abondante de neige et de glace.

Réchauffement accéléré et rétroaction de l’albédo

En effet, à mesure que le climat se réchauffe, la couverture de neige et de banquise diminue. Or, ces surfaces réfléchissent efficacement le rayonnement solaire entrant – on dit qu’elles ont un fort albédo. Aussi, leur réduction se traduit par une diminution de la quantité d’énergie renvoyée vers l’espace. Plus d’énergie est absorbée en surface et le réchauffement est amplifié ce qui accentue encore plus la perte de neige et de glace.

arctique albédo
Tendance modélisée dans l’albédo arctique (A). Contribution du recul de la neige continentale (B), du recul de la neige présente sur la banquise (C) et du recul de la banquise (D) à la tendance en A. Aussi, on voit que 92 % de cette dernière est expliquée par ces 3 facteurs. Crédits : Rudon Zhang & al. 2019.

Ce cercle vicieux est connu sous l’appellation de rétroaction de l’albédo. Il est essentiellement actif au printemps et en été, lorsque le soleil est très présent. Notons qu’en cas de refroidissement, la rétroaction agit dans le sens inverse – i.e. une amplification du refroidissement.

Les mesures satellitaires montrent sans ambiguïté une nette baisse de l’albédo dans le secteur arctique (60°N-90°N). Elle se chiffre de -1,2 à -1,5 % par décennie entre mars et septembre sur la période s’étendant de 1982 à 2014. Néanmoins, dans cette tendance, la part relative de la neige, de la glace ou des dépôts de carbone noir qui les assombrissent est mal connue.

Le rôle dominant du manteau neigeux arctique

Une nouvelle étude parue dans PNAS le 11 novembre dernier a approfondi la question. Aussi, les auteurs ont pu déterminer quels étaient les acteurs dominant dans la diminution observée de l’albédo. Grâce à de multiples jeux de données et à un modèle couplant climat et chimie, ils ont pu exclure l’effet associé aux dépôts de noir de carbone. L’effet étant jugé marginal. Et ce contrairement à ce que de précédents travaux avaient pu envisager.

arctique carbone suie
Tendance dans le dépôt de noir de carbone entre 1980 et 2014. Répartition spatiale en (A). Les valeurs positives indiquent une hausse et donc une réduction de l’albédo. Inversement pour les valeurs négatives. Tendance dans le dépôt de suie moyennée sur toute la région en (B). Crédits : Rudon Zhang & al. 2019.

En effet, il apparaît que la quantité moyenne de particules présentes dans la neige a diminué depuis les années 1980 (voir la figure ci-dessus). En particulier suite à la dissolution de l’Union Soviétique au début des années 1990. Les émissions de poussières noires – résultat d’une combustion incomplète – ont ainsi brutalement chuté.

En fait, les données montrent que c’est la réduction de la couverture neigeuse – sur les continents et sur la glace – qui a le plus joué. Un recul consécutif à la hausse de la température et à la raréfaction des précipitations neigeuses. Elle expliquerait 70 % de la baisse de l’albédo. Les ~30 % restant étant le résultat du recul de la banquise arctique et de la diminution de son épaisseur.

Ces résultats permettent de mieux comprendre l’importance relative des différents facteurs évoqués dans la rétroaction de l’albédo. Plus précisément, de les hiérarchiser. Et ainsi, de vérifier et/ou d’améliorer les projections climatiques futures.

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