Une campagne agressive et immédiate visant à réduire les émissions de méthane dans le monde pourrait permettre de gagner du temps supplémentaire pour lutter contre le changement climatique. Comment s’attaquer au problème ? Voici quelques pistes.
Le 9 août 2021, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) publiait un nouveau rapport alarmant, à trois mois de la conférence climat COP26. Quelques points à retenir : la température globale sur la surface de la Terre s’était réchauffée de 1,09°C depuis l’ère préindustrielle, le niveau de la mer s’est élevé d’environ vingt centimètres, la banquise arctique a atteint son niveau le plus bas enregistré, la concentration des GES dans l’atmosphère a atteint son niveau le plus haut depuis deux millions d’années pour le CO2 et depuis 800 000 ans pour le protoxyde d’azote (N₂O) et le méthane (CH4). Arrêtons-nous aujourd’hui sur ce dernier gaz.
Se concentrer sur le méthane, une priorité ?
Par commodité, on résume souvent le chauffage additionnel du système climatique par le seul effet dû à l’excès de CO2. Cependant, les autres gaz sont étudiés avec tout autant d’intérêt et de rigueur par les chercheurs, et notamment le méthane, dont le pouvoir chauffant environ trente fois supérieur à celui du CO2. Résultat : malgré une concentration plus faible par rapport au dioxyde de carbone, le CH4 se place en seconde position en termes de contribution au changement climatique récent, responsable de 30 à 50 % de l’augmentation actuelle des températures.
Ainsi, si nos efforts visant à freiner le réchauffement climatique se sont principalement concentrés sur les émissions toujours croissantes de dioxyde de carbone (CO2), peut-être devrions-nous axer davantage de moyens vers la réduction des émissions de méthane. Si ce dernier est plus puissant par unité de masse que le dioxyde de carbone, son principal « point faible » est qu’il ne dure pas aussi longtemps dans l’air.
« Si vous émettez une tonne de méthane aujourd’hui, dans une décennie, je m’attendrais à ce que la moitié de cette tonne reste dans l’atmosphère« , explique le professeur Thorne, de l’Université Maynooth en Irlande. « Dans deux décennies, il n’en restera qu’un quart de tonne, donc fondamentalement, si nous parvenions à arrêter d’émettre du méthane aujourd’hui d’ici la fin de ce siècle, les émissions seraient réduites aux niveaux naturels auxquels elles étaient vers 1750« .
De manière plus concrète, à court terme, les experts estiment en effet qu’en réduisant ces émissions de 40 à 45 % au cours de la prochaine décennie, nous pourrions réduire de 0,3 °C l’augmentation de la température mondiale d’ici 2040. Dans un monde où chaque fraction de degré compte, 0,3 °C ferait une énorme différence.
D’où vient tout ce méthane ?
Environ 40% du gaz provient de sources naturelles telles que les zones humides. D’ailleurs, si aucune action de long terme n’est prise pour limiter le réchauffement climatique, une étude révélait il y a peu que les émissions de méthane issues de ces milieux pourraient s’intensifier d’ici la fin du siècle. D’un autre côté, les 60% restants des émissions de méthane enregistrées sont attribuables aux activités humaines. Les principales fuites sont issues de l’agriculture, de la production de pétrole et de gaz, et des décharges.
« L’un des plus importants secteurs de pollution provient de la production, du transport et de l’utilisation du gaz naturel, qui porte vraiment mal son nom« , souligne le professeur Peter Thorne. Depuis 2008, il y a eu une forte augmentation des émissions de méthane liée à l’essor de la fracturation hydraulique, notamment aux États-Unis.
Le point positif, c’est qu’il existe une gamme d’actions relativement simples capables de rapidement freiner la production de méthane.
Comment réduire nos émissions ?
Dans le secteur des énergies fossiles, des inspections rigoureuses des installations peuvent permettre de repérer les fuites. Les correctifs rapides fonctionnent. Aux États-Unis, les efforts de collecte de gaz des sites d’enfouissement ont en effet permis de réduire de 40 % les émissions de méthane entre 1990 et 2016.
Citons aussi la possibilité de réduire les émissions de méthane des mines de charbon en inondant les sites laissés à l’abandon ou « en enterrant les nombreuses décharges encore à ciel ouvert sous les tropiques« , souligne le professeur Euan Nisbet de l’Université Royal Holloway de Londres.
Côté agriculture et élevage, un régime alimentaire beaucoup plus végétal et moins axé sur les produits animaux (viandes, produits laitiers) peut aussi avoir un impact important. Au niveau de la culture du riz, le compostage de la paille et l’utilisation de variétés hybrides sont également des options à considérer.
Enfin, le plus grand changement nécessaire sera peut-être de séparer le méthane des autres gaz à effet de serre sur la scène internationale. Certains experts craignent en effet que parce que les négociateurs climatiques de l’ONU traitent l’ensemble des gaz à effet de serre dans le même processus, ils puissent faire des compromis sur le méthane, ce qui entraverait les efforts de lutte.
« Pour stopper le réchauffement à long terme, nous devons stopper les émissions de dioxyde de carbone », note encore le Professeur Thorne. « Mais pour nous aider sur cette voie, nous pourrions traiter ces gaz différemment. Et si nous devions traiter le méthane différemment, cela pourrait nous faire gagner du temps pour nous adapter aux changements qui se produisent« .