Selon une étude récente, la plus faible présence de glace de mer dans l’Arctique favorise l’apparition de nouveaux arbres dans la toundra. Il est ici question d’un phénomène en lien avec le réchauffement climatique : l’arbustivation. Néanmoins, il ne s’agit pas d’une bonne nouvelle.
Le phénomène d’arbustivation
Il ne fait aucun doute que les arbres sont précieux, en témoigne les nombreux articles concernant les projets de plantation aux quatre coins du monde. Rappelons tout de même que les arbres recouvrent presque trois milliards d’hectares et capteraient jusqu’à deux tiers du carbone provenant des activités humaines. Néanmoins, leur apparition dans la nature n’est pas toujours de bon augure, comme l’indique une étude publiée dans la revue Science le 22 février 2024.
Selon les chercheurs de l’Université Alaska Pacific (États-Unis), le réchauffement climatique favorise l’apparition d’arbres et arbustes, notamment une espèce en particulier : l’épinette blanche (Picea glauca). En effet, ce conifère présent dans les forêts tempérées d’Amérique du Nord a tendance à se propager rapidement en Alaska. Cette propagation va jusqu’à atteindre les glaciers, même en l’absence de vrai sol. Au passage, il faut savoir que ce phénomène d’arbustivation se déroule aussi actuellement dans les Alpes.
Rappelons que l’Arctique est une zone qui se réchauffe quatre fois plus rapidement que le reste de la planète. Ainsi, la toundra autrefois inhospitalière laisse l’épinette blanche se développer. Or, ces arbres étant plus foncés que la neige, ils pourraient contribuer à réchauffer davantage la région. Les craintes portent désormais sur la libération de puissants gaz à effet de serre piégés dans la toundra, une potentielle catastrophe capable d’accélérer le réchauffement global.
Un effet particulier à l’origine de ces dérives
Pour les auteurs de l’étude, l’arbustivation serait liée à la perte de glace de mer au large. Cela induit un processus atmosphérique qui génère davantage de neige sur le rivage, une situation qui favorise l’implantation des semis d’épinettes blanches. Ces arbres prolifèrent ainsi à des altitudes bien plus élevées et dans des zones plus au nord qu’habituellement. Par ailleurs, le phénomène à l’origine de ces dérives est généralement associé aux Grands Lacs avec l’effet lac. Il implique un vent froid qui souffle sur des eaux chaudes et absorbe ensuite l’humidité avant de toucher la terre. Cette même terre redevient froide, ce qui entraîne des chutes de neige. Il s’agit justement du phénomène à l’œuvre en fin d’année 2022 à Buffalo (état de New York), une ville frappée par des chutes de neige extrêmes et surtout inhabituelles.
Dans l’Arctique, les scientifiques expliquent assister aux prémices d’une plus grande population d’arbres boréaux. Pour l’heure, il n’est pas question d’une forêt épaisse, mais la situation ne doit pas être négligée. Effectivement, au fur et à mesure de leur croissance, les arbres assombrissent de plus en plus le paysage et absorbent davantage la lumière du soleil. À l’échelle locale, le réchauffement s’accentue et accélère la fonte du pergélisol, contribuant toujours plus à la prolifération des arbres.
Évoquons enfin le fait que la présence de davantage d’arbres dans cette zone augmente les risques d’incendie, favorisés par des orages plus fréquents et sources importantes d’inflammation. Or, les incendies contribuent également à la fonte du pergélisol, ce qui génère des « thermokarst » (des cratères typiques). Tout cela pourrait malheureusement faire exploser les émissions de carbone, principale source du réchauffement climatique et des dérives qui lui sont associées.