La raréfaction des proies : une menace pour les plus grands prédateurs

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Les grands carnivores terrestres sont charismatiques, d’une importance écologique primordiale, et ironiquement, ils figurent parmi les animaux les plus en danger. Il y a des raisons évidentes à ce péril : Nous les chassons pour leur fourrure, pour des trophées, pour de la pseudo-médecine, ou encore parce qu’ils menacent notre bétail. Par « nous », j’entends le genre humain. Mais selon une récente analyse, nous nuisons aux grands carnivores de manière indirecte en menaçant leurs proies. La raison paraît évidente; elle est pourtant largement négligée.

Christopher Wolf et William J.Ripple, professeurs à l’Oregon State University et auteurs de cette étude parue dans la Royal Society Open Science, ont examiné le statut des 31 plus grands carnivores de la planète (les animaux sauvages pesant plus de 15 kilos et dont le régime alimentaire est composé d’au moins 70 % de viande) – une liste allant du lion au tigre, en passant par les ours, mais aussi les loutres de mer, les dingos, ou les lynx. Ils ont constaté que sur 35 de ces espèces, 24 étaient en déclin, et 17 d’entre elles étaient confinées à moins de la moitié de leurs effectifs normalement constitués. « Ils sont parmi les mammifères les plus admirés du monde et, ironiquement, ils sont parmi les plus en danger» , écrit l’un des auteurs.

Outre les raisons de ce déclin listées ci-dessus, il est aujourd’hui admis que l’absence de proies devient une menace majeure et de grande envergure pour les plus grands carnivores. En particulier, la panthère nébuleuse ( Neofelis nebulosa ), le léopard ( Neofelis diardi ), le tigre ( Panthera tigris ), le chien sauvage d’Asie (Cuon alpinus ) et le loup éthiopien ( Canis simensis ), qui déplorent au moins 40% de leurs proies classées comme menacées d’extinction par l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN).

Parmi les effectifs de 494 proies analysées, allant de la souris à l’imposant buffle d’Afrique, une moyenne de seulement 6,9% chevauche dans les zones dites « protégées ». Des résultats insuffisants qui montrent l’importance d’une approche holistique de la conservation qui consiste à protéger les grands carnivores en protégeant directement les proies dont ils dépendent : « Avant cette étude, il y avait eu une certaine attention sur la raréfaction des proies, mais elle n’a pas été considérée comme un problème majeur », explique le Dr Wolf. « Nous espérons que cela va conduire à plus de recherches. »

Leurs résultats montrent en effet que pour de nombreux carnivores, il ne suffit pas de se concentrer uniquement sur la chasse, le braconnage ou autres menaces directes à leur vie. Les populations de proies diminuant, les conflits liés à l’élevage entre carnivores et humains vont probablement s’intensifier. Les écologistes devront alors se tourner vers des mesures visant à protéger les proies : « L’élargissement et le renforcement des zones protégées garantiront aux grands carnivores du monde assez de chair à manger. Sachant qu’il faut environ 10 000 kilos de proie pour soutenir 90 kilos de biomasse carnivore, les efforts devront rapidement se faire sentir.

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