Depuis plusieurs décennies, les scientifiques s’attendent à ce que la fonte des glaces de l’Arctique perturbe significativement la circulation océanique dans le nord-atlantique. Un phénomène qui commencerait à être visible et qui devrait s’accentuer à l’avenir avec la poursuite du réchauffement global. À moins que l’océan Indien n’en décide autrement…
Circulation de l’océan et densité des eaux
Le système de courants marins dans le bassin atlantique – appelé AMOC en anglais – est en partie piloté par la densité des eaux. Si elles deviennent assez denses, elles plongent vers les profondeurs en créant un appel de masse depuis le sud. C’est ainsi qu’est maintenue l’extension vers le nord du Gulf Stream. On parle plus précisément de dérive nord-atlantique.
Actuellement, la plongée se produit près des mers entourant le Groenland et le Svalbard, là où l’océan est suffisamment froid et salé. Or, avec le changement climatique, l’océan se réchauffe et – surtout – la glace fond en libérant de l’eau douce. De ce fait, la couche océanique supérieure tend à devenir moins dense dans cette zone critique. On s’attend ainsi à ce que la plongée océanique soit de plus en plus difficile et que la circulation océanique ralentisse.

Si ce ralentissement devient suffisamment important, il aura des conséquences certaines pour le climat des continents adjacents – dont l’Europe. Néanmoins, pas de scénario type Le Jour d’après à prévoir !
L’océan Indien à la rescousse ?
Cependant, une nouvelle étude avance qu’une force de compensation plutôt inattendue pourrait intervenir. Publié dans la revue Nature Climate Change, le papier explique que le réchauffement accéléré de l’océan Indien serait en mesure de contrebalancer l’affaiblissement de l’AMOC. Pour arriver à ces conclusions, les auteurs ont couplé observations et modèle climatique de haute résolution.
Le mécanisme de rétroaction identifié par les chercheurs est le suivant. Comme la température de l’océan Indien augmente vite par rapport aux autres océans, les précipitations s’y intensifient fortement. Ce faisant, l’air à grande échelle circule plus rapidement pour alimenter les ascendances pluvio-orageuses.
Au niveau de l’Atlantique tropical, cela se traduit par une baisse des pluies et, en conséquence, par des eaux de surface plus salées. Par ailleurs, les vents d’ouest se renforcent dans le nord du bassin ce qui refroidit plus efficacement la surface océanique.

Résultat : il devient plus facile pour les masses d’eau circulant vers le nord de se densifier et, ce faisant, de maintenir l’AMOC. Ce processus méconnu et révélé par les simulations numériques pourrait même déjà être à l’œuvre, indique l’étude.
Un mécanisme de compensation transitoire
Toutefois, les chercheurs préviennent que lorsque le réchauffement de l’océan Indien est rattrapé par celui du Pacifique dans leur modèle, le processus décrit s’affaiblit. Il ne s’agirait donc que d’un mécanisme de soutien transitoire. Aussi, les résultats montrent toute la complexité du système climatique. En particulier, la présence de boucles de rétroactions nouvelles et inattendues.
« Il existe sans aucun doute de nombreuses autres relations dont nous ne sommes pas au courant », indique Alexey V. Fedorov, co-auteur de l’étude parue le 16 septembre. « Quels sont les mécanismes dominants ? Nous sommes intéressés par ce type d’interactions ».
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