Qui a pondu « The Thing », cet étrange oeuf préhistorique retrouvé en Antarctique ?

oeuf préhistorique
Crédits : Legendre et al. (2020)

De récentes analyses lèvent le voile sur l’origine d’un étrange fossile préhistorique retrouvé il y a quelques années en Antarctique.

En 2011, des scientifiques chiliens tombèrent sur un mystérieux fossile en Antarctique qui ressemblait à un ballon de football ratatiné. Depuis, le spécimen est resté dans les collections du Musée national d’histoire naturelle du Chili, sans réellement être étudié. Il apparaissait néanmoins tellement étrange que les scientifiques l’avaient à l’époque surnommé «The Thing», en référence au film de John Carpenter (1982).

Finalement, ce fossile a récemment fait l’objet d’une étude approfondie par une équipe de paléontologues de l’Université du Texas (Austin), dont les détails ont été publiés dans la revue Nature.

Un oeuf « dégonflé »

David Rubilar-Rogers, du Musée national d’histoire naturelle du Chili, est l’un de ceux qui ont découvert le fossile. Perplexe, il a contacté au cours de ces dernières années plusieurs géologues pour sonder leur avis. Les recherches n’avançaient guère, jusqu’à ce qu’il rencontre Julia Clarke, du Département des sciences géologiques de la Jackson School, en 2018.

« Je lui ai montré et, après quelques minutes, Julia m’a dit que ça pourrait être un oeuf dégonflé!« , explique le chercheur.

S’appuyant sur cette idée, des analyses ont ensuite été faites grâce à une instrumentation de pointe et, effectivement, le chercheur réussit à isoler plusieurs couches de membrane, confirmant qu’il s’agissait bien d’un oeuf à coquille molle.

Mesurant plus de 28 sur 18 centimètres, c’est d’ailleurs le plus grand jamais découvert. En outre, nous savons désormais qu’il a été pondu par un ancien reptile marin il y a environ 66 millions d’années. Mais de quelle créature parle t-on ?

« Il provient d’un animal de la taille d’un gros dinosaure, mais il est complètement différent d’un oeuf de dinosaure, explique Lucas Legendre, principal auteur de ces travaux. Il ressemble davantage aux oeufs des lézards et des serpents, mais il provient d’un parent vraiment géant de ces animaux« .

oeuf antarctique
Crédits : Legendre et al. (2020)

Probablement un mosasaure

Étant donné l’absence de squelette à l’intérieur, le paléontologue dut passer par une autre approche. Il a dans un premier temps comparé la taille du corps de 259 reptiles vivants à la taille de leurs oeufs. Se faisant, il a estimé que l’espèce qui avait pondu « The Thing » devait mesurer environ six mètres de long (sans compter la queue).

S’appuyant sur cette information, il a ensuite répertorié les différents reptiles marins présents dans la région à la fin du Crétacé. Selon lui, tout porte à croire qu’il s’agissait probablement d’un mosasaure.

Pour rappel, les Mosasauridés forment une famille éteinte de reptiles géants apparentés aux lézards et aux serpents. Vous pouvez d’ailleurs apprécier l’un de ces spécimens dans les deux films Jurassic World (celui dans le grand bassin, vous savez, qui s’échappe !).

Cette conclusion est également renforcée par le fait que le fossile a été découvert dans une formation rocheuse de l’Antarctique abritant également des squelettes de bébés mosasaures et plésiosaures, ainsi que des spécimens adultes.

Pour les paléontologues, cette zone constituait ainsi probablement une sorte de grande nurserie où les reptiles marins juvéniles pouvaient se développer en attendant d’être assez « forts » pour s’aventurer en eaux plus profondes.

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Crédits : John Maisano / Université du Texas à Austin Jackson School of Geosciences

Ponte en mer ou sur terre ?

Enfin, les chercheurs s’interrogent encore sur le mécanisme de ponte en lui-même. Ils envisagent deux solutions possibles : soit les mosasaures pondaient dans l’eau comme le font certains serpents de mer aujourd’hui, soit ils pondaient sur la plage. Dans ce cas précis, les bébés, une fois sortis de l’oeuf, devaient alors se précipiter dans l’eau, comme peuvent le faire aujourd’hui les tortues marines.

Les chercheurs penchent néanmoins pour la première option. Compte-tenu de leur poids corporel, il paraît très improbable que les mères dépensaient autant d’énergie pour se rendre sur la terre. Bien évidemment, ils ne peuvent pas non plus l’exclure. Dans ce cas précis, ils estiment plus probable que les reptiles pondaient sur le rivage tout en restant principalement submergés et soutenus par l’eau.

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