Quand la Lune bombarde la Terre à coups de sodium

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Le côté obscur de la Lune photographié par L'Observatoire du climat de l'espace profond (DSCOVR). Crédits : NASA/NOAA

Régulièrement, la Lune tire un faisceau de sodium sur la Terre, dont la luminosité varie selon les événements. Pourquoi ? Une équipe de chercheurs propose une explication, évoquant l’influence de gros météores.

En novembre 1998, des chercheurs analysaient la pluie annuelle de météores des Léonides en s’appuyant sur des caméras spécialement conçues permettant d’isoler la présence du sodium dans l’atmosphère terrestre. Ces observations se produisent généralement lorsque les météores brûlent avant d’atteindre la surface de notre planète.

À l’époque, les chercheurs avaient alors été surpris de constater la présence d’une tache de sodium persistant dans le ciel pendant trois nuits juste après le pic. Cette tache, apparaissant du côté du monde opposé au Soleil, s’était éclairée à l’approche de la nouvelle lune avant de rapidement s’estomper.

Des travaux supplémentaires ont ensuite permis de conclure que cette tache devait être le résultat d’un faisceau de sodium s’étendant à au moins 800 000 km de la Lune et interagissant avec la Terre.

« La Lune ressemble un peu à une comète »

Contrairement à notre planète, la Lune est dépourvue d’atmosphère. En conséquence, elle est constamment bombardée par des météorites. Lorsque ces objets la percutent, les atomes de sodium disponibles en surface se retrouvent alors projetés dans l’espace où ils interagissent avec les photons du Soleil qui les transforme en ions. Le vent solaire les emporte ensuite dans la direction opposée à celle de notre étoile, créant alors une structure en forme de queue qui s’écoule de notre satellite en direction de la Terre.

En ce sens, « la Lune ressemble un peu à une comète« , souligne Jeffrey Baumgardner, du Center for Space Physics de l’Université de Boston.

Ainsi régulièrement, lorsque la nouvelle Lune se déplace entre la Terre et le Soleil, cette « queue de sodium » dépoussière le visage de notre planète qui fait face à notre étoile. La gravité de la Terre « pince » ce flux de matière, le rétrécissant en un faisceau invisible à l’oeil nu qui s’enroule alors autour de l’atmosphère terrestre avant de se propager dans l’espace comme ci-dessous :

Ce rayon de sodium ne peut être vu que par des caméras spéciales. Et selon les jours, il apparaît plus ou moins clair. La question est de savoir pourquoi.

Cette fameuse tache de novembre 1998 était apparue particulièrement brillante après le pic de la pluie de météorites des Léonides. Toutefois, d’autres se sont également manifestées pendant d’autres nouvelles lunes, mais sans pluies de météores simultanées. En revanche, la luminosité des ions de sodium était alors plus faible. Naturellement, les scientifiques ont dès lors soupçonné que ces pluies de météores pouvaient contrôler la luminosité de ces événements.

Dans le cadre d’une étude, les chercheurs se sont appuyés sur une caméra spéciale disponible à l’observatoire El Leoncito, en Argentine, qui a pris plus de 21 000 images de la Lune entre 2006 et 2019.  Leurs travaux, publiés dans le Journal of Geophysical Research: Planets, suggèrent une explication un peu plus nuancée.

L’influence des gros météores

Comme dit plus haut, les pluies de météores annuelles peuvent coïncider avec une « tache lunaire » plus brillante. Toutefois, selon l’étude, ce n’est pas toujours le cas, peut-être parce que leurs impacts ne sont pas toujours assez énergiques. En revanche, les impacts de météores sporadiques, ceux qui n’intègrent pas ces averses régulières, ont une corrélation plus forte avec la luminosité de la tache lunaire.

D’après les auteurs, ces météores sont probablement plus massifs et plus rapides. De fait, ils seraient capables d’expulser davantage de sodium dans l’espace en percutant la surface lunaire, ce qui expliquerait ces différences de scintillement.

Cela a-t-il une application pratique ? « Probablement pas« , en convient M. Baumgardner, l’auteur principal de l’étude. « Cette recherche n’était motivée que par la curiosité, un désir d’en savoir plus sur cette belle perle volcanique dans le ciel et son rayon mystifiant« .

Que se passerait-il alors si un plus gros objet encore venait à percuter la Lune ? « Si un astéroïde de taille appropriée entrait en collision avec notre satellite avec suffisamment d’élan, il pourrait être en mesure d’éliminer suffisamment de sodium pour produire un rayon que tout le monde pourrait voir à l’œil nu« , assure James O’Donoghue, de l’Agence japonaise d’exploration aérospatiale qui ne participait pas à la recherche.

Ce faisceau nous apparaîtrait alors en une tache de lumière floue de la taille des étoiles de la ceinture d’Orion.