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Quelque chose d’énorme traverse la Galaxie et déplace les étoiles sur plusieurs centaines d’années-lumière

La Voie lactée, notre galaxie, semble bien plus mouvementée qu’on ne le pensait. Des astronomes viennent de mettre en évidence une ondulation colossale traversant son disque, comme une vague cosmique qui soulève et abaisse les étoiles sur des dizaines de milliers d’années-lumière. Cette découverte, rendue possible par les observations ultra-précises de la mission spatiale Gaia, pourrait bouleverser notre compréhension de l’histoire et de la dynamique de notre galaxie.

Un disque galactique loin d’être plat

Pendant longtemps, on a représenté la Voie lactée comme une spirale relativement régulière, avec ses bras d’étoiles enroulés dans un disque mince et plat. La réalité est plus complexe. Dès les années 1950, les astronomes avaient remarqué que ce disque était en fait légèrement déformé, comme une assiette voilée. Plus récemment, les données de Gaia – un observatoire spatial de l’Agence spatiale européenne lancé en 2013 – ont montré que cette déformation était encore plus marquée qu’on ne l’imaginait, probablement en raison d’interactions gravitationnelles avec des galaxies voisines.

Mais ces grandes distorsions globales ne sont pas les seules structures à perturber notre galaxie. À l’instar d’une tôle ondulée qui, en plus de sa courbure générale, présente des bosses et des creux plus fins, le disque galactique semble traversé par des ondulations plus locales. L’une d’elles, récemment mise en évidence, a été baptisée « la Grande Vague ».

Une vague cosmique qui déplace les étoiles

Pour détecter cette structure, les chercheurs ont étudié deux types d’étoiles : environ 17 000 jeunes étoiles géantes, particulièrement brillantes, et 3 400 Céphéides classiques, des étoiles variables dont la luminosité fluctue de manière prévisible. Ces dernières jouent un rôle clé en astronomie : leur variation lumineuse permet de mesurer avec une grande précision leur distance, ce qui en fait de véritables « chandelles standards » dans la cartographie de la galaxie.

En comparant leur position et leur mouvement, les scientifiques ont constaté un phénomène étonnant : les étoiles semblaient avoir été déplacées verticalement, parfois jusqu’à 650 années-lumière par rapport au plan moyen du disque galactique. Pour donner une idée, le disque mince de la Voie lactée mesure environ 1 000 années-lumière d’épaisseur : l’ampleur du décalage est donc considérable.

L’onde s’étend également sur une échelle gigantesque : au moins 30 000 années-lumière, peut-être même jusqu’à 65 000. En comparaison, notre galaxie entière mesure environ 100 000 années-lumière de diamètre. La Grande Vague est donc une structure galactique majeure, dont l’existence n’avait jamais été confirmée auparavant.

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Source: DR
Vue d’artiste de la Voie lactée superposée à la distribution des étoiles. Le rouge représente les étoiles situées au-dessus du disque, formant un arc clair sur une large zone. Crédit image : ESA/Gaia/DPAC, S. Payne-Wardenaar, E. Poggio et al (2025)

Une cousine lointaine de l’onde de Radcliffe ?

Cette découverte n’est pas isolée. Il y a quelques années, une autre structure ondulée, plus petite et plus proche de nous, a été identifiée : l’onde de Radcliffe. Située à environ 500 années-lumière, elle s’étend sur près de 9 000 années-lumière. Les deux phénomènes pourraient être liés, ou non. Pour l’instant, les chercheurs n’ont pas encore tranché cette question.

Ce qui semble clair, en revanche, c’est que ces ondulations témoignent de l’histoire mouvementée de notre galaxie. Les simulations numériques suggèrent qu’elles pourraient résulter d’interactions passées avec des galaxies satellites – des systèmes stellaires plus petits ayant croisé ou traversé la Voie lactée. Ces rencontres cosmiques, fréquentes à l’échelle astronomique, peuvent provoquer d’immenses vagues dans le disque galactique, un peu comme une pierre jetée dans l’eau crée des remous durables.

Un mystère qui ne fait que commencer

Pour l’instant, la cause exacte de la Grande Vague reste inconnue. Les chercheurs soulignent que leur étude avait pour objectif de documenter le phénomène et de mesurer ses caractéristiques, non de l’expliquer. Mais l’hypothèse d’une collision ou d’une interaction avec une galaxie satellite figure parmi les scénarios les plus probables.

Quoi qu’il en soit, cette découverte souligne à quel point notre galaxie est loin d’être statique ou simple. Derrière l’apparente régularité des bras spiraux se cache une dynamique complexe, faite de déformations, de vagues et de résonances gravitationnelles. Comme le résume le Dr Eloisa Poggio, coautrice de l’étude : « Plus nous étudions notre galaxie, plus nous découvrons sa complexité et sa fascination. Il reste encore tant à explorer. »

Gaia, et après ?

Ironie du sort, cette annonce survient peu après l’arrêt des opérations de Gaia, qui a déjà révolutionné notre vision de la Voie lactée. Ses données, compilées pendant plus d’une décennie, constituent la carte la plus précise jamais réalisée de notre galaxie, couvrant les positions et mouvements de plus d’un milliard d’étoiles.

Et le travail est loin d’être terminé. La prochaine publication de données, attendue dans les prochaines années, apportera encore davantage de détails, notamment sur les étoiles variables comme les Céphéides. De quoi espérer mieux comprendre non seulement la Grande Vague, mais aussi d’autres structures insoupçonnées qui façonnent notre galaxie.

La Voie lactée, que nous pensions connaître, s’avère finalement pleine de surprises. Ces découvertes rappellent que même notre « maison cosmique » reste, en grande partie, un territoire inexploré.

Les détails de l’étude sont publiés dans la revue Astronomy & Astrophysics.

Brice Louvet

Rédigé par Brice Louvet

Brice est un journaliste passionné de sciences. Ses domaines favoris : l'espace et la paléontologie. Il collabore avec Sciencepost depuis près d'une décennie, partageant avec vous les nouvelles découvertes et les dossiers les plus intéressants.