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Crédits : Rost-9D/istock

Quelque chose de rarissime remonte du centre de la Terre — et ça vaut de l’or !

Pendant des décennies, les scientifiques ont considéré le noyau terrestre comme une forteresse chimique impénétrable, un sanctuaire de métaux enfoui à plus de 2 900 kilomètres sous nos pieds. Mais une nouvelle étude vient de bouleverser cette certitude. Des chercheurs ont découvert que des métaux rares – dont de l’or – s’échappent depuis les entrailles de la Terre pour remonter jusqu’à sa surface, via les volcans.

Une fuite souterraine que personne n’avait anticipée, révélée par l’analyse fine de roches volcaniques à Hawaï. Et qui pourrait bien transformer notre compréhension de la dynamique interne de la planète.

Un indice minéral venu des profondeurs

C’est en étudiant des échantillons issus du volcan Kilauea, l’un des plus actifs du monde, que des géochimistes de l’université de Göttingen (Allemagne) ont repéré une anomalie. Ils ont détecté des concentrations anormalement élevées de ruthénium, un métal précieux du groupe du platine.

Or, le ruthénium trouvé dans ces roches ne ressemble pas à celui généralement présent dans le manteau terrestre. Sa signature isotopique évoque plutôt celle du ruthénium… que l’on pense confiné dans le noyau depuis la formation de la Terre.

En d’autres termes, ces fragments de lave hawaiienne porteraient la trace chimique d’un voyage incroyable : une ascension de plusieurs milliers de kilomètres à travers le manteau, depuis la frontière noyau-manteau jusqu’à la surface.

Le noyau terrestre n’est pas aussi isolé qu’on le croyait

Cette découverte, publiée dans Nature le 21 mai, remet en cause un pilier de la géologie moderne : la relative étanchéité entre le noyau et le manteau. Selon les chercheurs, les panaches mantelliques – ces colonnes de roches surchauffées qui alimentent le volcanisme – pourraient remonter directement depuis la limite du noyau, en entraînant avec eux des éléments lourds, rares… et très convoités.

« Nos résultats montrent non seulement que le noyau terrestre n’est pas aussi isolé qu’on le pensait », explique Matthias Willbold, co-auteur de l’étude, « mais aussi qu’il contribue directement à la composition chimique de certaines régions volcaniques, comme Hawaï. »

Autrement dit, les volcans n’exprimeraient pas seulement l’activité du manteau supérieur, mais agiraient parfois comme fenêtres sur le noyau.

L’or, un cadeau du cœur de la Terre ?

On estime que 99,9 % de l’or de la Terre est aujourd’hui enfermé dans le noyau, prisonnier d’un alliage de fer en fusion formé peu après la naissance de la planète. L’idée que ce métal puisse, lentement mais sûrement, migrer à travers le manteau pour atteindre la croûte terrestre est à la fois fascinante et vertigineuse.

Jusqu’ici, les modèles privilégiaient une autre origine : celle d’un apport tardif via des impacts de météorites. Mais cette nouvelle étude suggère qu’une partie de l’or que nous exploitons aujourd’hui pourrait, en réalité, provenir des profondeurs du globe – arrachée au noyau au fil des millions d’années par la dynamique interne de la planète.

Une hypothèse qui relance également les débats sur la formation des grands gisements miniers, et sur les véritables origines des ressources métalliques à la surface.

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L’or n’est en réalité pas aussi rare qu’on pourrait le croire. Le problème est que 99,999 % des réserves sont enfermées dans le noyau terrestre, bien au-delà de la portée de l’humanité. Crédit : Wikipédia/Slav4|Ariel Palmon

Une Terre plus active, plus connectée, plus vivante

Cette découverte s’inscrit dans une série d’études récentes qui montrent à quel point les échanges entre les différentes couches internes de la Terre sont plus intenses que prévu. On sait désormais que des panaches profonds modifient la géographie des continents – comme en Afrique, où une gigantesque remontée mantellique est en train de fracturer la plaque tectonique.

Dans ce contexte, la fuite de métaux précieux depuis le noyau n’est pas qu’un détail chimique. Elle est la preuve que notre planète est un système dynamique, interconnecté, où rien n’est vraiment figé, pas même le noyau.

Et si, finalement, ce que nous appelons “le cœur de la Terre” était aussi l’une de ses plus grandes sources de transformation ?

Brice Louvet

Rédigé par Brice Louvet

Brice est un journaliste passionné de sciences. Ses domaines favoris : l'espace et la paléontologie. Il collabore avec Sciencepost depuis près d'une décennie, partageant avec vous les nouvelles découvertes et les dossiers les plus intéressants.