La question du rapport entre la vitesse du son et les systèmes météorologiques responsables de la pluie et du beau temps peut surprendre. Elle a pourtant fait l’objet de publications scientifiques en première moitié du vingtième siècle, avec la mise en évidence d’un paradoxe entre théorie et observations. Du moins en apparence…
En règle générale, la pression atmosphérique mesurée à une altitude donnée correspond au poids de la colonne d’air située au-dessus du point de mesure. Pour raison d’hydro-statisme, une carte du champ de pression équivaut ainsi à une information sur la distribution de la masse atmosphérique. Par conséquent, les zones de basses pressions à un niveau donné correspondent à un déficit de masse et les zones de hautes pressions à un excès de masse.
Identification d’une apparente contradiction
L’observation quotidienne montre que les systèmes météorologiques évoluent avec des constantes de temps de l’ordre de quelques jours pour leur cycle de vie et de 5 à 10 mètres par seconde pour leur vitesse de déplacement. D’un autre côté, les travaux du mathématicien Horace Lamb ont montré que toute perturbation du champ de masse atmosphérique donne ordinairement naissance à une onde qui s’échappe de la zone perturbée à une vitesse proche de celle du son et qui disperse l’énergie sur de grandes distances, laissant derrière elle un champ de masse revenu à son état initial non perturbé.
Les dépressions, anticyclones et autres fronts atmosphériques sont des perturbations du champ de masse atmosphérique. Ils devraient donc se déplacer à une vitesse comparable à celle du son et évoluer, non pas en quelques jours comme nous l’observons, mais en l’espace d’une à deux heures seulement. Comment réconcilier ces éléments, en apparence incompatibles ?
Un mécanisme de frein lié à la trajectoire des parcelles d’air
La théorie d’Horace Lamb indique qu’une perturbation du champ de masse donne ordinairement naissance à une onde progressant à la vitesse du son. Les systèmes météorologiques doivent donc nécessairement constituer un type très particulier de perturbation du champ de masse. Ce fait sera démontré par le mathématicien et géophysicien Harold Jeffreys au début du vingtième siècle, lequel s’intéressait alors au déplacement des dépressions (aussi appelées cyclones).

« Le cyclone est un type très particulier de perturbation dans laquelle la pression, la température et la vitesse sont distribuées de telle sorte que l’onde qui tend à le réajuster se déplace avec une extrême lenteur », explique-t-il dans son papier. « D’autres types de perturbations se propagent beaucoup plus rapidement (avec des vitesses de l’ordre de celle du son) et se dissipent. C’est vraisemblablement la raison pour laquelle, parmi toutes les irrégularités possibles, le cyclone est la plus visible, les autres formes se dissipant avant d’être observées ».
Les travaux d’Harold Jeffreys puis, plus tard, de Charles Priestley et d’autres montrent que le mécanisme fondamental de freinage provient de la trajectoire des parcelles d’air. En effet, dès que le système de pression commence à se déplacer, l’air ne suit plus exactement les isobares (lignes d’égale pression) mais progresse selon des trajectoires qui s’en écartent très sensiblement car le champ de pression n’est plus stationnaire.
Ce sont ces écarts qui freinent intensément la propagation en imposant une redistribution de masse (donc de pression) opposée au sens de déplacement du système. « Le mécanisme de frein dans le mouvement des systèmes de pression réside ainsi dans la distorsion des trajectoires que le mouvement aura lui-même créée », conclut C. H. B. Priestley dans son papier.
Sources : On travelling atmospheric disturbances, Harold Jeffreys / Atmospheric pressure changes, C. H. B. Priestley / On atmospheric oscillations, Horace Lamb.