Quel impact aurait la présence d’une super-Terre sur notre système solaire ?

super-Terre
Illustration de la Terre à côté de la super-terre 55 Cancri e. Crédits : NASA/JPL-Caltech/R. Hurt

Que se passerait-il si une super-Terre intégrait notre système solaire, non pas en marge comme l’hypothétique Planète 9 qui est censée évoluer bien au-delà de Pluton, mais entre Mars et Jupiter ? Un tel monde ferait des ravages, selon des recherches publiées dans The Planetary Science Journal.

Qu’est-ce qu’une super-Terre ?

Notre système solaire a longtemps été considéré comme un modèle du genre pour tous les systèmes planétaires. Au fil du temps, on s’est finalement aperçu que celui-ci faisait figure d’exception à cause de l’absence de super-Terre.

Dans le jargon astronomique, on appelle une super-Terre une planète extrasolaire qui a une masse plus élevée que celle de la Terre, mais qui est encore suffisamment petite pour être considérée comme une planète rocheuse. Les super-terres sont caractérisées par des masses allant de deux à dix fois celle de la Terre et par des diamètres allant jusqu’à environ deux fois celui de notre planète.

Ces planètes sont souvent comparées à la Terre, car elles sont constituées principalement de roches et de métaux, plutôt que de gaz comme les gazeuses géantes comme Jupiter et Saturne. Les super-terres ont également des compositions atmosphériques variées, allant de peu ou pas d’atmosphère à des atmosphères très épaisses.

Il s’avère que ces mondes sont assez courants dans la galaxie. D’après les observations faites par des missions comme Kepler et TESS, on estime en effet qu’environ un tiers de toutes les exoplanètes sont des super-Terres.

Pour les astronomes, l’absence de ces mondes au sein de notre système pourrait s’expliquer par la présence de Jupiter qui, en migrant à travers la Ceinture d’astéroïdes au cours des premiers millions d’années de son histoire, aurait envoyé des quantités considérables de matière vers le Soleil, limitant ainsi la quantité de « matières premières » nécessaires à la formation de telles planètes.

Cela étant dit, quel impact aurait la présence d’une super-Terre dans notre système solaire ? Une équipe dirigée par Stephen Kane, astronome à l’Université de Californie à Riverside, s’est posée la question.

super-Terre
Illustration de la super-Terre Kepler-62 f, à 200 années-lumière de la Terre. Crédits : NASA Ames/JPL-Caltech/Tim Pyle

Des planètes intérieures malmenées

Pour ces travaux, les chercheurs ont simulé des planètes de différentes masses et les ont placées à plusieurs distances dans la ceinture principale d’astéroïdes. Pour rappel, cette ceinture entoure notre étoile entre les orbites de Mars et Jupiter. La plus proche du Soleil se situait à deux unités astronomiques (UA), soit deux fois la distance Terre-Soleil. La plus éloignée se situait au bord extérieur de la ceinture d’astéroïdes, à environ quatre UA (ou 597 millions de km).

Toutes les simulations effectuées débutaient dans le temps présent et se terminaient dix millions d’années plus tard. Les astronomes enregistraient l’impact de ces super-Terres sur chacune des huit planètes du système solaire tous les cent ans.

Ces résultats ont montré que les quatre planètes intérieures (Mercure, Vénus , Mars et la Terre) étaient particulièrement vulnérables aux changements d’orbite.

Prenons l’exemple d’une planète sept fois plus massive que la Terre placée un peu au-delà de Mars. D’après les simulations, les orbites de la Terre et de Vénus sont devenues très excentriques (en forme d’œuf), au point d’engendrer des « rencontres rapprochées potentiellement catastrophiques ». Le changement de leurs orbites a également libéré de l’énergie transférée ensuite à Mercure. En conséquence, celle-ci s’est tout bonnement faite expulser peu de temps après.

Plus le temps passait et plus les conséquences devenaient désastreuses. Avec un telle super-Terre, Mars n’aurait tenu que cinq millions d’années, tandis que la Terre et Vénus n’auraient survécu que huit millions d’années.

vénus
La planète vénus. Crédits : JAXA

Jupiter et Saturne toujours solides

Contrairement aux planètes rocheuses, les géantes gazeuses, en particulier Jupiter et Saturne, ont été moins sévèrement touchées par l’intégration de ces super-Terre. Leurs orbites n’étaient en effet légèrement instables qu’aux emplacements de résonance de mouvement moyen (MMR).

Pour rappel, les emplacements de résonance de mouvement moyen sont des positions particulières dans un système planétaire où deux corps en orbite sont en résonance orbitale. Cela signifie que les deux corps orbitent en harmonie, de sorte que leurs périodes orbitales sont en rapport de nombres entiers simples. Plus précisément, dans une résonance de mouvement moyen, le rapport des périodes orbitales des deux corps est égal à un rapport simple de nombres entiers, tels que 2:1, 3:2, 4:3, etc. Par exemple, si un corps orbite autour d’une étoile en deux ans et qu’un autre corps orbite en un an, les deux corps seront en résonance 2:1. Des exemples de résonances de mouvement moyen dans notre système solaire comprennent la résonance 2:1 entre Neptune et Pluton, la résonance 3:2 entre Jupiter et la ceinture d’astéroïdes, et la résonance 1:2 entre la Terre et la Lune.

Ici, lorsque les chercheurs ont placé la même super-Terre de type Gliese 163c dans les confins de la ceinture d’astéroïdes à 3,8 UA du Soleil, celle-ci s’est retrouvée dans un MMR 8:5 avec Jupiter et un MMR 4:1 avec Saturne. En conséquence, les orbites des deux géantes gazeuses sont devenues plus ovoïdes, à tel point qu’elles ont d’abord supprimé la super-Terre, puis Uranus plus tard.

De manière générale, cette étude souligne que même des changements relativement petits peuvent faire une énorme différence dans la stabilité de notre système. À l’avenir, il serait intéressant d’évaluer ces impacts sur une échelle de temps plus longue, comme un milliard d’années.