Quel est le secret des tourbillons de Kármán ?

tourbillons de Karman
Crédits : Wikimedia Commons.

La réaction d’un fluide en mouvement à des perturbations internes ou externes est bien souvent surprenante. C’est par exemple le cas lorsque des obstacles viennent perturber l’écoulement naturel de l’air. Ce faisant, il n’est pas rare de voir apparaître d’étonnantes formations tourbillonnaires.

Les données satellitaires montrent qu’un tel phénomène se produit fréquemment en aval des reliefs d’îles et autres archipels, en particulier, ceux des Canaries, de Madère et des Antilles en présence d’un vent à composante nord. On observe alors un sillage de tourbillons s’enroulant alternativement dans le sens cyclonique et anticyclonique. C’est ce que l’on appelle une allée de tourbillons de Kármán, du nom de l’ingénieur et physicien hongro-américain Théodore von Kármán.

Ces tourbillons alternés apparaissent au grand jour lorsqu’ils sont accompagnés de nuages bas. Comme les gouttelettes d’eau des stratus et strato-cumulus sont aisément transportées par les courants, elles matérialisent bien les vortex. Dans le cas d’un air trop sec, ces derniers ne sont pas ou partiellement visibles et peuvent réserver de mauvaises surprises à ceux qui s’aventurent dans les airs. Néanmoins, les allées de tourbillons ne s’étendent jamais très haut dans l’atmosphère. En effet, la plupart d’entre elles sont confinées sous 3500 mètres d’altitude.

tourbillons de Kármán
Allée de tourbillons de Kármán observée le 15 septembre 1999 en aval de l’ archipel Juan Fernández situé en bas à gauche de la photographie (Chili). Comme nous nous situons ici dans l’hémisphère sud, le vent est à composante sud. Crédits : Wikimedia Commons.

Tourbillons de Kármán : un mécanisme de formation complexe

L’explication physique du phénomène est assez complexe. Elle fait intervenir plusieurs paramètres comme la hauteur et la forme du relief, la vitesse du vent et la stabilité de la couche d’atmosphère considérée. Cependant, on peut retenir que les enroulements sont liés à la baisse de pression qui apparaît sous le vent des reliefs. L’aspiration qui en résulte dévie l’air de sorte à réorganiser les perturbations de pression, créant un motif périodique. Cette configuration en tourbillons organisés est un état intermédiaire entre un écoulement laminaire et un écoulement turbulent.

Enfin, notons que le phénomène décrit par Théodore von Kármán n’est pas unique à l’atmosphère. À une autre échelle, il se produit aussi bien autour des câbles électriques et des antennes de voitures que des cheminées ou des ponts. Dans ce dernier cas, il peut causer d’importants dégâts si le pont n’a pas été pensé pour résister ou empêcher l’apparition d’une résonance. La structure se met alors à onduler dangereusement et va parfois jusqu’à se briser. Cette issue tragique illustre le besoin d’une compréhension fine de la façon dont l’air et l’eau se comportent à proximité d’obstacles.

Source : Introduction to Geophysical Fluid Dynamics – Physical and Numerical Aspects, Benoit Cushman-Roisin.