Que sont devenues les navettes spatiales soviétiques ?

navettes spatiales soviétiques Bourane
Crédits : Ralph Mirebs

Le programme de vaisseaux réutilisables soviétiques, lancé en 1976 en réponse au programme américain de navettes spatiales, n’a jamais vraiment vu le jour. Les dirigeants soviétiques, pourtant persuadés que ce programme serait utilisé à des fins militaires, ont finalement renoncé au leur après la chute de l’URSS. Mais que sont devenues les navettes ?

Nous sommes le 5 janvier 1972. Le président Nixon annonce la construction d’un nouveau vaisseau spatial : une navette permettant de faire la liaison entre la Terre et une station spatiale orbitale (qui viendra plus tard). Cette navette, selon lui, rendra les vols spatiaux routiniers et à un faible coût, en partie grâce au partage des factures entre le ministère de la Défense et la NASA, en échange de son utilisation pour lancer des satellites militaires.

Sur le moment, l’annonce n’inquiète pas l’Union soviétique, qui ne voit aucune utilité à ces navettes. Il n’est donc pas nécessaire de rivaliser avec les Américains sur ce programme, pense-t-on à l’époque. Les mentalités, cependant, commenceront à évoluer au milieu des années 1970.

Répondre aux Américains

Contrairement aux États-Unis avec la NASA, l’Union soviétique n’a pas d’organisme unifié gérant ses activités spatiales. En réalité, différents bureaux d’études se partagent différents projets. En 1974, l’ingénieur Valentin Glushko fusionne le bureau d’études TsKBEM avec sa propre organisation KB Energomash pour former un nouveau bureau appelé NPO Energiya. Parallèlement, il fait également le point sur la place des Soviétiques dans l’espace, et commence à reconsidérer le programme de la navette spatiale.

Selon l’évaluation de l’armée soviétique, qui s’appuie sur les plans de la navette américaine partagés publiquement, ce vaisseau se semble pas économiquement viable. Par ailleurs, on le trouve étonnamment grand. Très vite, il apparaît alors aux Soviétiques que les États-Unis se positionnent pour construire quelque chose de massif en orbite. Peut-être une station militaire ? Le véhicule américain, qui semblait auparavant inoffensif, est désormais considéré comme une menace.

Le pays décide alors de répondre, sans trop savoir ce que trament les rivaux américains.

Les navettes soviétiques

Le programme de navette soviétique débute officiellement le 17 février 1976. L’idée : construire un véhicule capable de contrecarrer la menace militaire américaine potentielle tout en faisant progresser la position technologique et scientifique du pays sur la scène spatiale internationale. Officiellement baptisé Reusable Space System, ce nouveau vaisseau pourrait, comme son homologue américain, effectuer des missions diverses dans l’espace, à la différence près que celui-ci n’aurait « besoin de personne » pour voler. Entendez par là, aucun cosmonaute ne sera nécessaire à bord.

La conception de la navette soviétique est gelée en juin 1979. L’orbiteur ailé sera construit à peu près aux mêmes dimensions que le vaisseau américain avec une cabine d’équipage avant, une soute à deux bras de manoeuvre et un groupe propulseur arrière. Il sera conçu pour atteindre l’orbite attaché à un réservoir externe alimentant quatre moteurs cryogéniques assistés par quatre boosters à sangle.

Le 12 avril 1981, la NASA entame son programme avec la mission STS-1, avant d’enchaîner les vols jusqu’à la catastrophe de Challenger en 1986. Entre-temps, les Soviétiques se font discrets. Le 8 avril 1987, le pays reconnaît finalement publiquement la construction de son propre modèle de navette spatiale nommé « Bourane« , que l’on pourrait vaguement traduire par « tempête de neige sur les steppes ».

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Bourane au Salon du Bourget 1989. Crédits : Dominique Bétin

Premier vol et abandon du programme

Le premier vol de cette navette, qui n’implique aucun pilote, est prévu pour le 29 octobre 1988. L’orbiteur doit simplement faire le tour de la Terre et revenir se poser sur une piste d’atterrissage de manière autonome. Cette première tentative de lancement sera finalement avortée à cause d’une panne mécanique.

La deuxième tentative, prévue le 15 novembre, sera la bonne. À 8 heures du matin, à Baïkonour, Bourane s’élève dans le ciel. Huit minutes et 2,8 secondes plus tard, la navette se sépare de l’étage central et tire ses deux unités de manoeuvres orbitales. Un peu plus d’une demi-heure plus tard, le vaisseau se place sur une orbite quasi circulaire, avant d’entamer sa séquence de rentrée.

Si ce premier vol est un succès, on ne peut pas en dire autant du reste du programme. Le Conseil de défense soviétique avait effectivement approuvé Bourane pour fonctionner à un niveau réduit jusqu’en 2000, mais la chute de l’URSS en 1991 en décidera autrement. Les bureaux d’études distincts exécutant des programmes individuels seront en effet transférés au ministère russe de l’Industrie, mais NPO Energiya ne fera pas partie des plans, faute de budget.

Aucune autre navette soviétique ne s’est envolée depuis. Quatre autres orbiteurs étaient pourtant construits à divers stades d’achèvement. Le 12 mai 2002, le toit du hangar abritant la navette Bourane et son lanceur Energuia s’est effondré par suite d’un mauvais entretien. L’accident a totalement détruit l’engin et tué sept ouvriers au passage.

Les deux autres modèles – 2.01 et 2.02 – n’ont jamais quitté leur usine de Touchino, où elles sont à la merci des éléments (images ci-dessous). Enfin, l’orbiteur 2.03, partiellement assemblé, fut démantelé au début des années 90.

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Crédits : Ralph Mirebs
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Crédits : Ralph Mirebs
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Crédits : Ralph Mirebs