De temps à autre, les nuages qui peuplent notre ciel présentent des aspects troublants. Certaines de ces particularités ont des causes tout à fait naturelles tandis que d’autres résultent de l’action de l’homme. C’est dans cette seconde catégorie que se situent les formations discutées dans le présent article.
Arborant une géométrie circulaire, elliptique ou linéaire, ces trouées dans le couvert nuageux sont désignées par le terme cavum, officiellement introduit par l’Atlas international des nuages en 2017. S’en échappent fréquemment des traînées, semblables à des chevelures, un peu comme si une partie du ciel venait subitement de s’effondrer. Aussi, on les observe essentiellement en présence de cirrocumulus ou d’altocumulus, une caractéristique qui n’est pas sans rapport avec les processus impliqués dans leur apparition.
De l’eau à la glace, une réaction en chaîne
La cause la plus courante de ces formations est le passage d’un avion dans une fine couche nuageuse constituée de gouttelettes d’eau surfondues, c’est-à-dire liquides à des températures inférieures à 0 °C. Or, cet état est instable. Aussi, la perturbation aérodynamique que représente la décompression brutale de l’air au passage de l’aéronef suffit à déclencher le passage de l’eau vers l’état solide. Notons que contrairement à ce que l’on pouvait penser par le passé, les particules rejetées par les moteurs semblent jouer un rôle marginal.

La chute de température qui accompagne la perturbation de pression permet donc aux gouttelettes d’évoluer en cristaux de glace. Toutefois, le phénomène ne reste pas localisé, mais se généralise à une large zone par effet domino. En effet, l’eau des gouttelettes environnantes va peu à peu s’évaporer et venir grossir les cristaux : c’est l’effet Bergeron. Le processus s’étend vers l’extérieur et laisse derrière lui une éclaircie, témoin de cristaux devenus assez lourds pour précipiter et s’évaporer dans l’air sous-jacent. C’est cette précipitation qui forme les traînées évoquées plus haut. On parle de virga pour désigner une telle précipitation qui n’atteint pas le sol.
Selon que l’avion traverse la couche nuageuse à la verticale ou, au contraire, à l’horizontale, on observera des formes circulaires ou linéaires. Par ailleurs, en fonction des conditions fines de microphysique nuageuse, seule une partie du nuage pourra être instable, d’où les motifs parfois irréguliers ou tortueux rapportés par les observateurs de terrain. Enfin, notons que les imageries satellitaires à très haute résolution permettent aujourd’hui d’observer ces trouées depuis l’espace de façon systématique.