Ce nāest ici quāune fiction, mais que se passerait-il sur Terre si la moitiĆ© de la population se retrouvait rĆ©ellement dĆ©cimĆ©e en un instantā?
Si vous ne vivez pas terrĆ©Ā·e dans une grotte au fin fond de la SibĆ©rie, vous avez peut-ĆŖtre suivi en 2019 la sortie du film Avengers : Endgame. Lāun des principaux objectifs Ć©tait de ramener Ć la vie nos malheureux hĆ©ros qui firent, un an plus tĆ“t, les frais du cĆ©lĆØbre Ā«Ā claquement de doigtsĀ Ā» de Thanos Ć la fin dāInfinity War. Pour faire simple, Thanos, alors muni de toutes les pierres dāinfinitĆ©, avait Ć©liminĆ© la moitiĆ© de lāUnivers. Ses intentions Ć©taient Ā«Ā bonnesĀ Ā», selon ses dires. LāidĆ©e gĆ©nĆ©rale Ć©tait simpleĀ : il nāy a pas de ressources pour tout le monde. Beaucoup de gens souffrent. On Ć©limine la moitiĆ© et tout ira pour le mieux. Mais serait-ce vraiment le casā? Prenons le cas de la Terre.
Rappelons plus prĆ©cisĆ©ment que, comme lāa confirmĆ© Kevin Feige, prĆ©sident de Marvel Studios, notre cher Thanos nāa pas rĆ©duit que la population humaine. Il a rĆ©duit en poussiĆØre exactement la moitiĆ© de la population de chaque espĆØce. Sont donc Ć©galement inclus les fourmis noires de nos jardins, les sangliers, les poissons-lunes, ou les bactĆ©ries E. coli. Ce ne sont ici que des exemples, mais vous avez compris le principe.
Sur le papier, son intention se justifie. Trop de monde pour pas assez de ressources. On ne peut pas multiplier par deux les ressources, donc divisons par deux ceux qui en dĆ©pendent. En rĆ©alitĆ©, cāest un peu plus compliquĆ© que Ƨa. Cette idĆ©e est mĆŖme jugĆ©e Ā«āterrible Ć bien des Ć©gardsāĀ» par Ken Lacovara, palĆ©ontologue Ć lāUniversitĆ© Rowan (Ćtats-Unis).
Les humains, explique-t-il, ont connu une croissance dĆ©mographique exponentielle. Dans les annĆ©esĀ 60, nous nāĆ©tions que trois milliards, puis six milliards en lāanĀ 2000. Et le nombre dāhumains sur Terre ne fait quāaugmenter. Ce qui veut dire quāen lāespace de 40 ans, la population humaine aura recouvert tous ses effectifs. Partant de ce principe, dĆ©cimer la moitiĆ© du monde vaut-il vraiment le coupā?
Au revoir les tigres, bonjour les moustiques
La mĆŖme chose sāapplique Ć la plupart des espĆØces terrestres, poursuit le chercheur. En revanche, certaines devraient beaucoup mieux sāen tirer que dāautres. Il existe en effet un dĆ©sĆ©quilibre entre les espĆØces en fonction des stratĆ©gies de survie. Les grandes gagnantes seront clairement les espĆØces qui font beaucoup de petits, et qui rĆ©duisent au maximum les soins parentaux. Cela signifie que les insectes, les kangourous, les rats ou les lapins sāen sortiront tranquillement.
Selon lāĆ©cologiste James Faulconbridge, Ć titre dāexemple, une grenouille peut produire environ 20Ā 000Ā Åufs en une seule saison. Beaucoup ne survivront pas. Mais dĆ©cimez la moitiĆ© de la population de ces grenouilles et elles pourront aisĆ©ment recouvrir leur effectif en quelques mois seulement. Les moustiquesā? En un Ć©tĆ©.
En revanche, les animaux rares – autrement dit menacĆ©s – deviendraient moins nombreux et moins diversifiĆ©s gĆ©nĆ©tiquement. LāĆ©cologiste prend ici lāexemple du tigre, qui aurait beaucoup de mal Ć revenir. Pour les espĆØces au bord de lāextinction, le Ā«Ā snapĀ Ā» de Thanos donnerait trĆØs probablement le coup de grĆ¢ce. RĆ©duisez de 50Ā % la population dāune espĆØce qui peine dĆ©jĆ Ć sāaccrocher, et vous ĆŖtes quasiment sĆ»r de ne plus jamais la revoir.
CĆ“tĆ© bactĆ©ries, le microbiologiste Ben Libberton rappelle que nos intestins sont truffĆ©s de milliards de micro-organismes qui veillent Ć notre bonne santĆ© gastro-intestinale. Une Ć©limination importante de ces bactĆ©ries pourrait peut-ĆŖtre, selon lui, permettre la prolifĆ©ration de bactĆ©ries prĆ©cĆ©demment rĆ©primĆ©es par la concurrence. Un dĆ©sĆ©quilibre pourrait alors sāinstaller, mais difficile de dire si nous pourrions nous en remettre facilement.
Bien Ć©videmment, toutes les formes de vie sur Terre sont interdĆ©pendantes. Il est donc impossible de prĆ©dire prĆ©cisĆ©ment ce quāil pourrait advenir de la Terre si la moitiĆ© de ses hĆ“tes disparaissant dāun coup dāun seul. Mis Ć part, peut-ĆŖtre, que vous vous retrouveriez 40 ans plus tard avec tout autant dāhumains, cohabitant avec pleins de rats et de moustiques.
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