Ce que 485 millions d’années d’évolution climatique révèlent sur notre avenir

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La Terre au temps de la Pangée. Crédits : Ianm35/istock

Des recherches récentes nous offrent un nouvel éclairage sur l’évolution climatique de la Terre au cours des 485 derniers millions d’années, une période clé qui s’est caractérisée par d’énormes changements dans l’atmosphère et la température de la planète. Ces travaux montrent que le dioxyde de carbone (CO2) a joué un rôle fondamental dans la régulation du climat terrestre et que les niveaux actuels de ce gaz à effet de serre pourraient nous mener vers un avenir incertain.

Reconstituer l’histoire climatique de la Terre

Pour comprendre l’évolution du climat sur une telle échelle de temps, les chercheurs ont développé une nouvelle méthode d’analyse appelée PhanDA, pour Phanerozoic Data Assimilation. Ce projet combine des modèles climatiques complexes et des données géologiques issues de proxys (indicateurs naturels comme les fossiles ou les sédiments) afin de recréer les climats passés de manière plus précise que jamais. Cette méthode, d’abord utilisée pour les prévisions météorologiques actuelles, a été adaptée pour « prédire » les climats anciens, offrant ainsi une nouvelle lecture des températures sur des millions d’années.

Selon les chercheurs, les données reconstituées montrent que la température moyenne de la surface terrestre a varié de 11°C à 36°C au cours de cette période, soit une variation bien plus importante qu’on ne l’imaginait.

Terre évolution climatique
Température moyenne globale de la surface de la Terre reconstituée au cours des 485 derniers millions d’années. Les graphiques en bleu en haut de l’image indiquent l’étendue maximale de la glace en latitude et les lignes pointillées orange indiquent le moment des cinq principales extinctions massives du Phanérozoïque. Les cinq symboles orange en forme de squelette de poisson indiquent les extinctions massives. Crédits : Judd et al. 2024.

Le rôle clé du dioxyde de carbone

Ces fluctuations sont fortement corrélées aux niveaux de CO2 dans l’atmosphère, ce qui illustre le rôle central de ce gaz dans le contrôle des températures globales à travers le temps. Lorsque les concentrations atmosphériques de CO2 étaient élevées, les températures globales grimpaient ; à l’inverse, des niveaux plus bas coïncidaient avec des périodes plus froides.

Selon Jessica Tierney, co-auteure de l’étude et paléoclimatologue à l’Université de l’Arizona, ce lien indissociable entre climat et dioxyde de carbone éclaire les changements climatiques actuels qui sont largement dus à l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre d’origine humaine.

Une période particulièrement intéressante est celle du maximum thermique du Paléocène-Éocène (PETM), survenue il y a 55 millions d’années. Pendant cette époque, une libération massive de CO2 dans l’atmosphère a provoqué une hausse rapide des températures de 5 à 8°C en seulement quelques milliers d’années. Les scientifiques considèrent cette période comme une analogie possible à ce que la Terre pourrait vivre dans les décennies à venir, alors que les niveaux de CO2 continuent d’augmenter.

« Si vous regardez les derniers millions d’années, vous ne verrez rien qui ressemble à ce que nous attendons pour 2100 ou 2500« , explique Scott Wing, conservateur au Musée national d’histoire naturelle de Washington et co-auteur de l’étude.

Un réchauffement rapide et sans précédent

L’une des découvertes les plus frappantes de l’étude est la rapidité des changements climatiques actuels. Au cours des 500 derniers millions d’années, la Terre a connu plusieurs périodes de réchauffement intense, mais aucun ne semble avoir été aussi rapide que celui que nous vivons aujourd’hui. Les émissions de gaz à effet de serre dues à l’activité humaine, en particulier depuis la révolution industrielle, ont en effet poussé les concentrations de CO2 à plus de 420 ppm (parties par million), un niveau jamais atteint au cours des deux à trois millions d’années précédentes.

Autrement dit, les températures mondiales augmentent aujourd’hui beaucoup plus rapidement que lors des périodes géologiques passées, laissant peu de temps aux écosystèmes, à la biodiversité et même aux sociétés humaines pour s’adapter.

Jessica Tierney souligne : « Les humains et les espèces avec lesquelles nous partageons la planète sont adaptés à un climat relativement froid. Passer aussi rapidement à un climat beaucoup plus chaud représente un défi immense« .

Quelles leçons pour le futur ?

En étudiant les climats passés, les scientifiques peuvent mieux comprendre les risques du réchauffement climatique actuel. Les données de l’étude PhanDA nous rappellent que la Terre a traversé des périodes de réchauffement extrême, mais que ces transitions se sont déroulées sur des millions d’années, laissant le temps aux formes de vie de s’adapter. Aujourd’hui, la situation est différente : la vitesse des changements en cours menace non seulement les écosystèmes naturels, mais aussi la stabilité des sociétés humaines.

Le message est clair : les niveaux actuels de CO2 et l’accélération de l’augmentation des températures devraient alarmer la communauté mondiale. Plus nous tardons à réduire nos émissions, plus il sera difficile de freiner les conséquences du réchauffement climatique. Ce voyage dans l’histoire climatique de la Terre nous offre un aperçu précieux de ce qui pourrait nous attendre si nous n’agissons pas rapidement pour changer de cap.