Et si, demain, une guerre nucléaire plongeait la planète dans l’obscurité, refroidissant brutalement le climat et provoquant une crise alimentaire mondiale ? Face à ce scénario d’hiver nucléaire de plus en plus plausible, des chercheurs néo-zélandais ont tenté de répondre à une question cruciale : comment nourrir durablement les habitants d’une ville moyenne dans un monde post-apocalyptique ? Leur réponse, aussi pragmatique qu’inattendue, repose sur une poignée de cultures résistantes… et une revalorisation massive des espaces verts urbains.
Cultiver l’urgence : comment nourrir une ville après une apocalypse ?
Le principe de leur étude, publiée dans PLOS One, est simple mais ambitieux : en cas de crise globale, comme une guerre nucléaire, une éruption volcanique géante ou la chute d’un astéroïde, le climat serait profondément perturbé. Résultat : une diminution drastique de la lumière solaire et un refroidissement global, rendant l’agriculture industrielle pratiquement impossible.
Pour évaluer la résilience alimentaire d’une ville, les chercheurs ont pris comme exemple Palmerston North, une ville néo-zélandaise de 90 000 habitants, représentative des villes de taille moyenne situées loin des mégapoles verticales. Grâce à des images satellite (notamment via Google Maps), ils ont cartographié tous les espaces verts disponibles : pelouses, jardins, parcs publics. L’idée ? Voir combien de personnes pourraient être nourries si l’on transformait immédiatement ces zones en surfaces cultivées.
Spoiler : pas tout le monde.
En temps normal : pois, patates et potagers urbains
En climat stable, la culture urbaine la plus efficace s’appelle… le pois. Cette légumineuse riche en protéines n’a besoin que de 292 m² par personne et par an pour satisfaire les besoins nutritionnels de base (protéines et calories). Comparée à d’autres aliments comme le chou ou la carotte, qui exigent presque trois fois plus de surface, elle est imbattable.
Autour de la ville, les scientifiques ont identifié les pommes de terre comme la culture la plus productive pour compléter les besoins alimentaires.
Mais cette stratégie s’effondre dès que les températures chutent sérieusement.
Quand le soleil s’efface : l’hiver nucléaire impose ses propres règles
En cas d’hiver nucléaire, les pois, trop fragiles face au gel et au manque de lumière, ne survivraient pas. À la place, les chercheurs recommandent une association d’épinards, de betteraves sucrières, de blé et de carottes. Ces plantes sont plus résistantes au froid et peuvent encore produire, même avec une photosynthèse réduite.
Mais là encore, mauvaise nouvelle : les terres urbaines seules ne suffisent pas. Même en maximisant la productivité, elles ne permettent de nourrir qu’environ 16 % de la population en hiver nucléaire, contre 20 % en climat normal. Pour atteindre l’autosuffisance, il faut donc inclure les zones périurbaines. L’étude estime qu’il faudrait 1 140 hectares supplémentaires, autour de Palmerston North, pour nourrir tout le monde.
Et pour faire tourner les tracteurs dans ce nouveau monde ? Il faudrait aussi 110 hectares de canola pour produire du biodiesel.

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Crédits : BenGoode/istockAnticiper le pire pour mieux s’y préparer
Certes, personne ne veut sérieusement vivre d’épinards et de betteraves toute l’année. Mais le but de l’étude n’est pas de composer un menu gastronomique, souligne Matt Boyd. Il s’agit de maximiser les calories et les protéines produites par mètre carré, en vue d’assurer la survie minimale d’une population en crise.
Le message est clair : les villes ne sont pas condamnées à mourir de faim, même dans un monde post-apocalyptique. Mais leur survie dépendra de leur capacité à réorganiser rapidement leur espace, leur production alimentaire et leur logistique.
Cette recherche, même si elle n’est pas directement inspirée par les tensions géopolitiques actuelles, résonne étrangement dans un monde de plus en plus instable. En janvier, l’horloge de l’apocalypse, qui symbolise la proximité d’un effondrement global, a été avancée à 90 secondes de minuit, un record historique.
Et si l’agriculture urbaine devenait une stratégie de défense ?
Pour les auteurs de l’étude, ce travail n’est qu’un début. Ils espèrent qu’il servira de base à des politiques publiques ambitieuses. Car comme le rappelle la chercheuse Theresa Nogeire-McRae, non impliquée dans l’étude : « Les villes ont souvent été construites sur les terres les plus fertiles. Ce sont des ressources précieuses. Ne les gaspillons pas. »
En d’autres termes, cultiver son jardin n’a jamais été aussi stratégique.