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Que mangeaient les trilobites ? Un incroyable fossile nous donne la réponse

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Crédits : estt/istock

Les trilobites comptent parmi les fossiles les plus emblĂ©matiques. PrĂ©sents dans les Ă©cosystèmes marins du dĂ©but du Cambrien Ă  la fin du Permien, on dĂ©nombre aujourd’hui plusieurs milliers d’espèces. Toutefois, malgrĂ© leur omniprĂ©sence dans les archives fossiles, il a toujours Ă©tĂ© difficile de dĂ©terminer le menu de ces arthropodes. Un spĂ©cimen rĂ©cemment dĂ©couvert nous permet d’y voir un peu plus clair.

Que mangeaient les trilobites ?

Les trilobites reprĂ©sentent un groupe fascinant d’arthropodes marins ayant prospĂ©rĂ© pendant une grande partie de l’ère PalĂ©ozoĂ¯que. Ils Ă©taient caractĂ©risĂ©s par leur carapace dure et segmentĂ©e composĂ©e de trois lobes longitudinaux, d’oĂ¹ leur nom « trilobites ».

Ces animaux anciens Ă©taient incroyablement diversifiĂ©s, avec plus de 20 000 espèces dĂ©crites Ă  ce jour. Ils variaient aussi en taille : certains ne mesuraient que quelques millimètres de long, quand d’autres dĂ©passaient les soixante centimètres. Nous savons aussi que la plupart des trilobites Ă©taient des animaux marins benthiques, ce qui signifie qu’ils vivaient sur le fond de l’ocĂ©an.

En ce qui concerne le rĂ©gime alimentaire de ces animaux, certaines mĂ©thodes indirectes et des indices fossiles ont permis de glaner quelques informations sur leur rĂ©gime alimentaire probable. Certains avaient des appendices buccaux ressemblant Ă  des pinces, ce qui pourrait indiquer un rĂ©gime prĂ©dateur oĂ¹ des petits organismes Ă©taient au menu par exemple. D’autres avaient des appendices plus adaptĂ©s Ă  brouter ou fouiller le substrat marin Ă  la recherche de matière organique.

MalgrĂ© tout, la dĂ©termination prĂ©cise du menu des trilobites a toujours posĂ© problème en raison du manque de fossiles qui prĂ©servent leur contenu stomacal, d’oĂ¹ l’intĂ©rĂªt de cette nouvelle dĂ©couverte.

Un fossile exceptionnel

Dans le cadre d’une nouvelle Ă©tude, des chercheurs dĂ©crivent en effet un Ă©chantillon superbement conservĂ© intĂ©grant encore les restes de ses derniers repas.

Le spĂ©cimen provient de gisements de schiste trouvĂ©s dans le bassin de Prague en RĂ©publique tchèque. Ces roches datent de l’Ordovicien (environ 485 Ă  443 millions d’annĂ©es). La rĂ©gion est apprĂ©ciĂ©e des palĂ©ontologues pour ses nodules de silicate durs, Ă©galement appelĂ©s « boules de Rokycany ». Ces formations gĂ©ologiques caractĂ©ristiques ont en effet la capacitĂ© Ă  prĂ©server les fossiles de manière exceptionnelle, avec des dĂ©tails souvent tridimensionnels.

Le nodule dĂ©crit ici contient un fossile d’environ cinq centimètres d’un trilobite appartenant Ă  une espèce relativement rare connue sous le nom de Bohemolichas incola.

En plus de capturer une grande partie de son anatomie externe, les chercheurs ont pu imager son intĂ©rieur en utilisant le rayonnement d’un synchrotron. Au centre de l’intĂ©rieur de l’animal se trouvait une ligne de matĂ©riau composĂ©e principalement de petits morceaux de coquilles. Il s’agissait en rĂ©alitĂ© des restes de son tube digestif.

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Crédits : Petr Kraft and al/Nature 2023

Quels animaux figuraient au menu ?

L’imagerie par rayonnement synchrotron Ă©tait suffisamment dĂ©taillĂ©e pour permettre d’identifier les espèces dont le trilobite se nourrissait. La plupart semblaient Ăªtre des ostracodes, de petits crustacĂ©s encore communs aujourd’hui. Parmi ces animaux figuraient aussi des versions larvaires. Les chercheurs ont Ă©galement identifiĂ© des fragments de coquilles minces provenant probablement de coquillages comme les palourdes et les moules, ainsi que des morceaux d’Ă©chinoderme (du genre Ă©toiles de mer et oursins).

Dans l’ensemble, la sélection des aliments semblait « basée sur la taille et la résistance de la coquille« , écrivent les auteurs, « plutôt que sur la composition [des espèces]« .

Une partie de la morphologie de l’animal pourrait Ă©galement rĂ©vĂ©ler des adaptations Ă  cette alimentation. L’intestin lui-mĂªme semble avoir un diamètre relativement grand par rapport Ă  la taille de l’organisme. Du matĂ©riel sur le cĂ´tĂ© du tube digestif pourrait de son cĂ´tĂ© reprĂ©senter des glandes produisant des enzymes digestives. Enfin, l’extrĂ©mitĂ© de la queue de l’animal est Ă©galement relativement Ă©moussĂ©e, ce qui a pu permettre le passage des dĂ©jections remplies de coquilles de l’animal.

Les dĂ©tails de l’Ă©tude sont publiĂ©s dans Nature.