Les trilobites comptent parmi les fossiles les plus emblématiques. Présents dans les écosystèmes marins du début du Cambrien à la fin du Permien, on dénombre aujourd’hui plusieurs milliers d’espèces. Toutefois, malgré leur omniprésence dans les archives fossiles, il a toujours été difficile de déterminer le menu de ces arthropodes. Un spécimen récemment découvert nous permet d’y voir un peu plus clair.
Que mangeaient les trilobites ?
Les trilobites représentent un groupe fascinant d’arthropodes marins ayant prospéré pendant une grande partie de l’ère Paléozoïque. Ils étaient caractérisés par leur carapace dure et segmentée composée de trois lobes longitudinaux, d’où leur nom « trilobites ».
Ces animaux anciens étaient incroyablement diversifiés, avec plus de 20 000 espèces décrites à ce jour. Ils variaient aussi en taille : certains ne mesuraient que quelques millimètres de long, quand d’autres dépassaient les soixante centimètres. Nous savons aussi que la plupart des trilobites étaient des animaux marins benthiques, ce qui signifie qu’ils vivaient sur le fond de l’océan.
En ce qui concerne le régime alimentaire de ces animaux, certaines méthodes indirectes et des indices fossiles ont permis de glaner quelques informations sur leur régime alimentaire probable. Certains avaient des appendices buccaux ressemblant à des pinces, ce qui pourrait indiquer un régime prédateur où des petits organismes étaient au menu par exemple. D’autres avaient des appendices plus adaptés à brouter ou fouiller le substrat marin à la recherche de matière organique.
Malgré tout, la détermination précise du menu des trilobites a toujours posé problème en raison du manque de fossiles qui préservent leur contenu stomacal, d’où l’intérêt de cette nouvelle découverte.
Un fossile exceptionnel
Dans le cadre d’une nouvelle étude, des chercheurs décrivent en effet un échantillon superbement conservé intégrant encore les restes de ses derniers repas.
Le spécimen provient de gisements de schiste trouvés dans le bassin de Prague en République tchèque. Ces roches datent de l’Ordovicien (environ 485 à 443 millions d’années). La région est appréciée des paléontologues pour ses nodules de silicate durs, également appelés « boules de Rokycany ». Ces formations géologiques caractéristiques ont en effet la capacité à préserver les fossiles de manière exceptionnelle, avec des détails souvent tridimensionnels.
Le nodule décrit ici contient un fossile d’environ cinq centimètres d’un trilobite appartenant à une espèce relativement rare connue sous le nom de Bohemolichas incola.
En plus de capturer une grande partie de son anatomie externe, les chercheurs ont pu imager son intérieur en utilisant le rayonnement d’un synchrotron. Au centre de l’intérieur de l’animal se trouvait une ligne de matériau composée principalement de petits morceaux de coquilles. Il s’agissait en réalité des restes de son tube digestif.
Quels animaux figuraient au menu ?
L’imagerie par rayonnement synchrotron était suffisamment détaillée pour permettre d’identifier les espèces dont le trilobite se nourrissait. La plupart semblaient être des ostracodes, de petits crustacés encore communs aujourd’hui. Parmi ces animaux figuraient aussi des versions larvaires. Les chercheurs ont également identifié des fragments de coquilles minces provenant probablement de coquillages comme les palourdes et les moules, ainsi que des morceaux d’échinoderme (du genre étoiles de mer et oursins).
Dans l’ensemble, la sélection des aliments semblait « basée sur la taille et la résistance de la coquille« , écrivent les auteurs, « plutôt que sur la composition [des espèces]« .
Une partie de la morphologie de l’animal pourrait également révéler des adaptations à cette alimentation. L’intestin lui-même semble avoir un diamètre relativement grand par rapport à la taille de l’organisme. Du matériel sur le côté du tube digestif pourrait de son côté représenter des glandes produisant des enzymes digestives. Enfin, l’extrémité de la queue de l’animal est également relativement émoussée, ce qui a pu permettre le passage des déjections remplies de coquilles de l’animal.
Les détails de l’étude sont publiés dans Nature.