Quand l’eau défie tout ce qu’on croyait savoir : une glace qui se forme à 25°C vient d’être découverte

L’eau continue de nous surprendre. Alors que nous pensions avoir fait le tour de ses propriétés, des chercheurs viennent de bouleverser un siècle de certitudes en créant de la glace à température ambiante. Cette prouesse, réalisée par une équipe internationale menée par l’Institut coréen KRISS, révèle l’existence d’une vingt-et-unième forme de glace aux propriétés fascinantes. Une découverte qui pourrait nous en apprendre beaucoup sur les origines de la vie dans l’univers.

L’eau sous pression : un comportement inattendu

Nous avons tous appris à l’école que l’eau gèle à 0°C. Cette vérité apparemment immuable vient pourtant d’être nuancée de manière spectaculaire. Les scientifiques du KRISS ont démontré qu’en soumettant l’eau à une pression colossale dépassant deux gigapascals – soit environ 20 000 fois la pression atmosphérique –, elle se transforme en glace sans nécessiter le moindre refroidissement.

Le phénomène s’explique par la nature même de la cristallisation. Ce processus de transformation du liquide en solide ne dépend pas uniquement de la température, mais également de la pression exercée sur la matière. En comprimant suffisamment l’eau, les liaisons hydrogène entre les molécules se réorganisent et adoptent une structure cristalline stable, formant ainsi de la glace solide même dans une pièce chauffée.

Une technologie de pointe pour capturer l’invisible

La réalisation de cette expérience a nécessité le développement d’un instrument révolutionnaire : la cellule à enclumes de diamant dynamique. Cet appareil utilise deux diamants et des actionneurs piézoélectriques pour comprimer un minuscule échantillon d’eau en seulement dix millièmes de seconde, tout en minimisant les perturbations mécaniques susceptibles de déclencher prématurément la cristallisation.

L’équipe a ensuite combiné cette technologie avec le laser à électrons libres européen, le plus puissant au monde, pour observer les transformations à l’échelle de la microseconde. Cette alliance instrumentale a permis de capturer des phénomènes trop fugaces pour être détectés par les méthodes conventionnelles, ouvrant une fenêtre inédite sur les mécanismes intimes de la matière.

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Crédit : Institut coréen de recherche sur les normes et les sciences (KRISS)
À l’intérieur de la cellule à enclumes de diamant dynamiques utilisée par l’équipe de recherche KRISS pour générer l’état supercomprimé (une paire d’enclumes de diamant est visible)

La glace XXI : une architecture moléculaire inédite

La nouvelle phase découverte, baptisée glace XXI, se distingue par sa structure cristalline exceptionnellement complexe. Sa maille élémentaire – la plus petite unité répétitive du réseau cristallin – présente une forme rectangulaire aplatie d’une taille remarquablement grande comparée aux vingt phases de glace précédemment identifiées.

Cette complexité structurale témoigne de la richesse insoupçonnée des arrangements possibles pour les molécules d’eau. Depuis un siècle, les chercheurs ont découvert ces différentes phases en explorant une gamme impressionnante de conditions : plus de 2000 degrés Kelvin de variation de température et plus de 100 gigapascals de pression. La zone comprise entre la pression atmosphérique et deux gigapascals s’avère particulièrement dense en transitions de phase, avec plus d’une dizaine de formes de glace coexistant dans cet intervalle relativement restreint.

Des implications cosmiques

Au-delà de l’exploit technique, cette découverte revêt une importance considérable pour la compréhension de l’univers. La densité de la glace XXI correspond à celle des couches de glace présentes dans les profondeurs des lunes glacées orbitant autour de Jupiter et de Saturne. Ces mondes lointains, enfouis sous d’épaisses coquilles de glace à haute pression, intriguent les astrobiologistes qui les considèrent comme des candidates potentielles pour abriter des formes de vie extraterrestre.

En décryptant les mécanismes de formation et les propriétés de ces glaces exotiques, les scientifiques espèrent mieux comprendre les processus chimiques et physiques susceptibles de se produire dans ces environnements extrêmes. Cette recherche, fruit d’une collaboration impliquant trente-trois scientifiques de cinq pays différents, illustre comment la science fondamentale peut éclairer les grandes questions sur nos origines et notre place dans le cosmos.

Brice Louvet

Rédigé par Brice Louvet

Brice est un journaliste passionné de sciences. Ses domaines favoris : l'espace et la paléontologie. Il collabore avec Sciencepost depuis près d'une décennie, partageant avec vous les nouvelles découvertes et les dossiers les plus intéressants.