Selon de nouveaux travaux, près de la moitié des sécheresses observées en Inde lors de la mousson d’été sont pilotées à distance depuis le nord-atlantique. Des résultats novateurs parus dans la revue Science ce 11 décembre.
La mousson est un système de vents tropical caractérisé par une alternance entre deux régimes bien différenciés. Un régime humide en saison estivale et un régime sec en saison hivernale. Par abus de langage, on désigne souvent par mousson la phase humide marquée par des pluies diluviennes. Ces flux d’air alternés sont provoqués par des différences de pression à grande échelle, résultat du chauffage différentiel entre le continent et l’océan.
Une pluie salvatrice qui vient parfois à manquer
La plus emblématique des moussons est assurément celle d’Asie du sud où ce sont plus d’un milliard de personnes qui dépendent actuellement des précipitations apportées par les vents marins entre juin et septembre. Toutefois, des incertitudes notables subsistent quant à la compréhension fine de sa dynamique. En particulier, pourquoi certaines années le temps reste anormalement sec. Compte tenu de l’influence de la mousson sur la vie socio-économique et sanitaire de pays comme l’Inde ou la Chine, les progrès à ce niveau revêtent un enjeu majeur.
Des précédents travaux ont montré que la présence du phénomène El Nino dans le Pacifique équatorial s’associait à une anomalie sèche en Asie du sud. Inversement pour les années marquées par la présence de La Nina. En cause, la réorganisation des cellules de convection intertropicale et de leurs branches ascendantes et subsidentes (voir le schéma ci-dessus). Cependant, l’état du Pacifique équatorial n’explique pas tous les épisodes de sécheresses. Loin de là. Ainsi, il n’est pas rare que lors d’années a priori favorables, la pluie fasse malgré tout défaut.
De l’Atlantique nord à la mousson indienne
Dans une nouvelle étude axée sur l’Inde, des chercheurs ont trouvé que près de la moitié des phases sèches ne sont pas associés à El Nino. Celles-ci s’articulent à l’échelle sous-saisonnière et surviennent brutalement en seconde partie de saison. En analysant les observations des cent dernières années et en les recoupant avec une modélisation numérique, ils ont pu montrer que ces sécheresses étaient liées à des anomalies spécifiques à l’atlantique nord. Plus précisément, à une anomalie froide des températures de surface associée à un régime dépressionnaire. En effet, cette signature extratropicale initie un train d’ondes qui propage une réponse atmosphérique jusqu’en Asie du sud. On parle de téléconnection – le cas échéant défavorable à un régime humide.
Néanmoins, les origines précises des anomalies atlantiques restent incertaines. En conséquence, les auteurs invitent à mener de futures recherches plus spécifiquement axées sur cette question. « Le pont atmosphérique identifié dans cette étude représente une voie potentiellement nouvelle dans notre compréhension des sécheresses de mousson (…) » indique le papier. « De manière plus pertinente, il souligne la nécessité d’élargir le paradigme existant des sécheresses de mousson, centré sur les tropiques, dans un cadre qui inclut les téléconnections extratropicales ».