Quand le dernier ancêtre commun universel a-t-il vécu ?

dernier ancêtre commun universel
3d illustration of a prehistoric amphibian reptile

L’origine de la vie sur Terre reste l’une des questions les plus fascinantes et complexes de la biologie. Au cœur de cette quête se trouve le Dernier Ancêtre Commun Universel, communément appelé LUCA. Cet ancêtre hypothétique se présente comme le point de départ à partir duquel toutes les formes de vie cellulaire modernes, des bactéries aux humains, ont évolué. La compréhension de LUCA éclaire l’évolution précoce de la vie, mais offre également des perspectives sur la possibilité de la vie ailleurs dans l’univers.

Le nœud de l’Arbre de vie

Le Dernier Ancêtre Commun Universel (LUCA), constitue un jalon essentiel dans l’évolution de la vie sur Terre. En tant que point de départ, il marque en effet le moment où les deux principaux domaines procaryotes (les Archées et les Bactéries) ont commencé à diverger.

Les Archées, souvent adaptées à des environnements extrêmes, tels que les sources hydrothermales et les milieux salins, possèdent des caractéristiques uniques, tant sur le plan génétique que métabolique, ce qui leur permet de survivre dans des conditions où peu d’autres formes de vie pourraient prospérer. De l’autre côté, les Bactéries, qui constituent un groupe plus vaste, sont omniprésentes dans divers habitats, aussi bien au niveau des sols que des océans, et jouent des rôles essentiels dans des processus écologiques, comme la décomposition et le cycle des nutriments.

La divergence de LUCA aura ainsi ouvert la voie à l’évolution des organismes multicellulaires complexes, comme les plantes, les animaux et les champignons qui partagent des ancêtres communs bien plus récents. En comprenant LUCA, les scientifiques espèrent retracer non seulement l’origine de la vie, mais aussi les mécanismes fondamentaux qui ont permis l’émergence et la diversification de la vie telle que nous la connaissons aujourd’hui.

À quand remonte cet organisme ?

Des recherches récentes dirigées par des chercheurs de l’Université de Bristol ont permis de déterminer l’âge de LUCA à environ 4,2 milliards d’années. Cette estimation est soutenue par des analyses génétiques approfondies qui ont permis de reconstituer l’histoire évolutive des gènes à travers diverses lignées d’organismes. L’utilisation de modèles d’horloge moléculaire a été essentielle pour cette datation.

Deux modèles principaux ont été appliqués dans cette recherche : le modèle d’horloge relâchée ILN (Informative Lineage Number) et le modèle d’horloge relâchée GBM (Gaussian Brownian Motion). Le premier estime les dates d’événements évolutifs en tenant compte de l’information fournie par le nombre de lignées dans un arbre phylogénétique, ce qui permet une estimation plus flexible des taux de mutation. Le second applique des principes statistiques basés sur le mouvement brownien pour modéliser l’évolution des gènes en intégrant des variations dans les taux de mutation au fil du temps pour estimer les divergences évolutives.

Le modèle ILN a donné un intervalle de confiance de 95 % pour la datation de LUCA qui s’étend de 4,09 à 4,33 millions d’années. En parallèle, le modèle GBM a proposé un intervalle légèrement différent situé entre 4,18 et 4,33 millions d’années. La différence entre les intervalles de temps estimés par ces deux modèles peut être attribuée à leurs approches distinctes pour traiter l’évolution des gènes et les variations dans les taux de mutation.

Quoi qu’il en soit, en plaçant LUCA si près de la formation de la Terre (environ 400 millions d’années après), ces résultats renforcent l’idée que des conditions favorables à la vie pourraient avoir existé rapidement après l’établissement d’un environnement stable.

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Arbre temporel déduit selon les deux approches. Crédits : Nature Ecology & Evolution 2024

Un organisme complexe

L’importance de cet organisme ne se limite pas à son âge ou à son rôle en tant qu’ancêtre commun ; il nous aide également à comprendre les caractéristiques fondamentales de la vie.

L’étude a notamment permis de modéliser la biologie de LUCA en examinant les caractéristiques physiologiques des espèces modernes. Il s’agissait d’un organisme complexe qui présentait des similitudes avec les procaryotes modernes, tout en possédant des attributs uniques. Les chercheurs ont notamment identifié l’existence d’un système immunitaire précoce, ce qui indique que LUCA était engagé dès ses débuts dans une sorte de lutte contre les virus. Cela souligne non seulement la diversité des interactions biologiques, mais aussi la dynamique évolutive à laquelle cet ancêtre devait faire face.

Les résultats de l’étude révèlent également que LUCA exploitait et modifiait son environnement, ce qui suggère une interaction avec d’autres microbes. Par exemple, ses déchets auraient pu servir de nutriments pour des microbes méthanogènes, contribuant ainsi à l’établissement d’un écosystème primitif. Cette dynamique écologique précoce pourrait être représentative des premières étapes de la vie sur Terre et pose des questions sur la nature des interactions biologiques dans des environnements extrêmes.

Enfin, notez que les découvertes concernant LUCA ne se limitent pas à la compréhension de notre propre origine. Elles ont des implications plus larges sur la recherche de la vie ailleurs dans l’univers. L’idée qu’une vie complexe puisse s’établir rapidement sur la Terre primitive ouvre en effet la possibilité que des biosphères semblables existent ailleurs. Ainsi, LUCA pourrait servir de modèle pour la recherche de signes de vie sur d’autres planètes.