Notre technologie et nos connaissances, tout autant que nos valeurs et nos convictions, ont été façonnées par des milliers de générations de personnes qui s’étendent dans une chaîne ininterrompue. Mais quand ce processus d’accumulation a-t-il commencé ? Ou, pour le dire autrement, quand nos premiers ancêtres ont-ils commencé à s’appuyer sur les connaissances des autres ?
De l’apprentissage par la pratique à la culture cumulative
Depuis les débuts de l’humanité, nos ancêtres ont dû affronter un défi constant : celui de survivre dans des environnements souvent hostiles. L’apprentissage par la pratique a été leur méthode principale pour maîtriser les compétences nécessaires à leur survie. Chaque génération a dû apprendre à fabriquer des outils, à chasser, à trouver de la nourriture et à se protéger des prédateurs en utilisant principalement l’expérience individuelle et la répétition.
Ce processus d’acquisition de connaissances était isolé : faute de moyens efficaces pour transmettre les savoirs, chaque individu devait en effet redécouvrir les techniques et les solutions déjà trouvées par ses prédécesseurs.
Par la suite, nos ancêtres ont commencé à passer d’un mode d’apprentissage basé sur la pratique individuelle à un modèle plus complexe et collaboratif : la culture cumulative.
Celle-ci va bien au-delà de l’apprentissage par la pratique individuelle : elle implique la capacité à construire sur les réalisations antérieures, à intégrer de nouvelles idées et à les améliorer au fil du temps. Cela signifie que chaque nouvelle génération peut non seulement utiliser les connaissances et les compétences acquises par ses prédécesseurs, mais aussi les enrichir et les adapter à de nouvelles conditions et défis environnementaux.

Quand ce changement s’est-il produit ?
Des chercheurs ont récemment exploré cette transition dans leur étude récente sur la fabrication d’outils en pierre. Pour ce faire, ils ont analysé des milliers d’artefacts archéologiques, observant comment la complexité des outils en pierre avait évolué au fil du temps.
Selon l’équipe, la complexité des technologies des outils en pierre peut être comprise en matière de nombre d’étapes franchies dans chaque séquence de fabrication d’outils. Ces étapes sont appelées unités procédurales (PU).
Les résultats montrent qu’il y a environ 3,3 à 1,8 millions d’années, à l’époque des australopithèques et des premières espèces du genre Homo, la fabrication d’outils en pierre se situait dans la fourchette de base de 1 à 6 PU. Les outils étaient donc relativement simples et nécessitaient peu d’étapes procédurales pour leur fabrication.
Puis, entre 1,8 million et 600 000 ans environ, ce chiffre s’est élevé jusqu’à atteindre une fourchette comprise entre 4 et 7 PU. Enfin, il y a 600 000 ans, la complexité de la fabrication a rapidement augmenté pour atteindre une gamme de 5 à 18 PU.
Autrement dit, cette étude révèle que le principe de culture cumulative a réellement vu le jour au Pléistocène moyen. Cela suggère que cette capacité à développer des technologies plus complexes et à les transmettre à travers les générations pourrait avoir précédé la divergence entre les Néandertaliens et les humains modernes.
Ce passage vers des outils plus complexes reflète ainsi une transformation profonde dans la façon dont les humains ont commencé à interagir avec leur environnement et à manipuler les ressources disponibles. Cela témoigne d’une mentalité innovatrice et collaborative qui sous-tend la culture cumulative : l’idée que le progrès ne se limite pas à une seule personne ou à une seule génération, mais se construit à travers des contributions multiples et continues.
