Filtrer les rayons du Soleil en formant un bouclier de poussière de Lune dans le but de limiter la hausse des températures terrestres et le changement climatique, tel est le projet de géoingénierie fou imaginé par une équipe de chercheurs. Est-ce vraiment réalisable ? Les détails de l’étude sont publiés dans la revue PLOS Climate.
Réduire l’irradiance du Soleil
Le piégeage accru de l’énergie solaire, résultat des changements dans la composition de l’atmosphère terrestre, représente une menace pour la biodiversité. Une partie des stratégies pour lutter contre le changement climatique consistent donc à réduire l’irradiance solaire en interceptant la lumière de notre étoile avant qu’elle n’atteigne la surface de la Terre. L’atténuation cible de la lumière solaire, basée sur la modélisation, est d’environ 1 à 2 %.
Nous savons que les aérosols déployés dans l’atmosphère terrestre peuvent potentiellement servir de réflecteurs ou d’absorbeurs de lumière. Cependant, l’impact global de ces projets de géoingénierie peut être difficile à prévoir en raison des incertitudes quant à la circulation et à l’interaction de ces aérosols avec les nuages. Les changements climatiques régionaux, la nature des programmes de déploiement et les effets environnementaux à long terme entraîneront aussi des difficultés et des avantages inégaux pour la société.
Les approches spatiales, et non plus atmosphériques pourraient offrir une alternative. Certains ont déjà proposé de libérer un grand écran ou un essaim de petits satellites artificiels capables d’ombrager efficacement notre planète en étant bien positionnés.
Néanmoins, ces projets nécessitent de surmonter plusieurs défis, dont le maintien des orbites face à la pression de rayonnement de la lumière du soleil. Un autre facteur limitant est que la quantité de matériau nécessaire pour fournir de l’ombre est estimée à environ cent fois plus de masse de ce que les humains ont envoyé dans l’espace à ce jour.
De la poussière de lune pour faire « tampon »
Dans le cadre d’une étude, une équipe d’astrophysiciens proposent de nous appuyer sur la poussière, et pas n’importe laquelle : la poussière de Lune (ou régolithe).
Imaginez la scène : dans un futur possible, de grandes lignes de maglev traversent la surface lunaire. Ces rails ne transportent pas de trains, mais des catapultes accélérées à des vitesses supersoniques. L’objectif de ces machines serait de projeter des monticules de poussière dans l’espace vers le Point de Lagrange 1, une zone gravitationnellement stable située entre la Terre et le Soleil.
Là-bas, ces grains lunaires connus pour leur forte teneur en carbone seraient dans une position privilégiée pour absorber la lumière du Soleil sur un chemin vers la Terre. Les chercheurs estiment que 10 millions de tonnes de cette poussière pourraient faire chuter les niveaux de lumière d’environ 1,8 % par an, ce qui équivaut à perdre environ six jours d’ensoleillement.
L’équilibre gravitationnel de L1 serait capable de capturer cette poussière suffisamment longtemps pour qu’elle puisse filtrer la lumière quelques jours. Cependant, elle finirait par dériver ensuite. Ainsi, nous aurions besoin d’alimenter ce « bouclier » régulièrement.
Naturellement, un tel projet suscite de nombreuses réserves, notamment au niveau des coûts. Par ailleurs, ces astrophysiciens habitués aux poussières stellaires conviennent qu’ils ne sont pas experts en changement climatique ni en ingénierie spatiale. « Nous ne voulons simplement pas manquer une solution potentiellement révolutionnaire pour un problème aussi critique« , souligne Benjamin C. Bromley, de l’Université de l’Utah et auteur principal de l’étude.
Un bouclier de poussière de lune pourrait être un projet du 22e siècle. En attendant, un moyen beaucoup plus immédiat d’atténuer le changement climatique consiste à décarboner le réseau énergétique en éliminant les combustibles fossiles aussi rapidement que faire se peut.