Récemment, une équipe de chercheurs a mis en évidence un lien profond entre deux concepts fondamentaux de la physique quantique, le principe de complémentarité et l’incertitude entropique. Cette découverte, bien que théorique pour l’instant, pourrait avoir des implications majeures pour des domaines aussi divers que la communication quantique, la cryptographie et les ordinateurs quantiques.
Qu’est-ce que le principe de complémentarité ?
Le principe de complémentarité a été formulé par le physicien danois Niels Bohr dans les années 1920. Il stipule qu’une particule, comme la lumière, peut se comporter à la fois comme une onde et comme une particule, mais jamais simultanément sous ces deux formes. Selon la manière dont vous mesurez la lumière, vous observerez soit des propriétés d’ondes, soit des propriétés de particules. Cela semble contre-intuitif, car dans le monde de la physique classique, on s’attend à ce que les objets aient une seule forme bien définie. Toutefois, en physique quantique, les phénomènes sont beaucoup plus flous et dépendants de l’observation.
Par exemple, si vous effectuez une expérience pour observer la lumière comme une onde, vous pourrez voir des phénomènes comme des interférences ou des diffractions typiques des ondes. Néanmoins, si vous choisissez d’observer la lumière sous l’aspect d’une particule, elle se comportera comme un photon, une particule porteuse d’énergie. Ce phénomène est à la base de ce que l’on appelle la dualité onde-particule.
L’incertitude entropique : comprendre l’impossibilité de tout savoir
Le concept d’incertitude entropique est un autre principe fondamental en physique quantique. Il est lié à l’impossibilité de connaître simultanément toutes les informations d’un système quantique avec une précision parfaite. Autrement dit, dans le monde quantique, il y a toujours une part d’incertitude qui échappe à la mesure. Ce principe est souvent expliqué en lien avec le célèbre principe d’incertitude d’Heisenberg qui affirme qu’il est impossible de mesurer à la fois la position et la vitesse d’une particule avec une précision parfaite. Dans un système quantique, plus vous mesurez précisément une propriété, plus une autre propriété devient incertaine.
L’incertitude entropique décrit quant à elle cette incertitude dans les termes de l’information : la quantité d’information cachée ou non mesurée dans un système quantique. Ce phénomène montre à quel point le monde quantique échappe à la connaissance complète et c’est ce qui rend ce domaine de recherche à la fois fascinant et difficile à appréhender.
Une découverte fondamentale : relier complémentarité et incertitude entropique
Dans une étude publiée dans la revue Science Advances, une équipe de chercheurs de l’Université de Linköping, en Suède, a confirmé une théorie mathématique qui relie le principe de complémentarité à l’incertitude entropique. En d’autres termes, ils ont prouvé qu’en mesurant la lumière d’une manière ou d’une autre (comme une onde ou une particule), vous exposez nécessairement une partie de l’information du système, tout en cachant l’autre.
Cette connexion fondamentale montre que peu importe si vous observez un photon comme une onde ou une particule, il existe toujours une quantité d’information cachée dans ce système, représentée par au moins un bit d’information. Autrement dit, chaque fois que vous choisissez une mesure (onde ou particule), une autre information reste inaccessible, ce qui correspond à une incertitude qui ne peut être réduite.
L’expérience qui a validé cette théorie
Pour tester cette idée, les chercheurs ont mis en place une expérience utilisant des photons qui se déplacent en décrivant un mouvement circulaire appelé moment angulaire orbital. Contrairement aux photons classiques, qui ont un mouvement oscillatoire de haut en bas, ces photons peuvent contenir plus d’informations, ce qui les rend idéaux pour des expériences futures.
Ils ont utilisé un appareil appelé interféromètre qui permet de mesurer les photons dans différentes configurations. En fonction de l’orientation du dispositif, les chercheurs pouvaient observer les photons soit sous forme d’ondes, soit sous forme de particules. Cette souplesse leur a permis de tester différentes configurations tout en observant le comportement des photons. Ce dispositif a révélé qu’en mesurant la lumière sous différentes formes dans le même dispositif, il est possible d’obtenir des résultats quantiques tout en respectant le principe de complémentarité.
Une particularité importante de cette expérience est que les chercheurs ont pu insérer un deuxième dispositif dans le parcours de lumière, ce qui a ainsi permis de mesurer simultanément les photons sous différentes formes. Ce niveau de contrôle expérimental est crucial pour la validation des théories quantiques et pour les futures applications pratiques.

Pourquoi cette découverte est-elle importante ?
Les résultats de cette étude sont loin d’être juste une curiosité scientifique. Bien qu’ils n’aient pas encore d’utilisation pratique immédiate, ces résultats posent les bases de futures technologies dans des domaines de pointe comme la communication quantique et la cryptographie. Par exemple, la cryptographie quantique, qui repose sur les principes de la physique quantique pour sécuriser les communications, pourrait bénéficier de ces découvertes. En effet, en utilisant des systèmes quantiques pour distribuer des clés de chiffrement de manière parfaitement sécurisée, il devient théoriquement impossible pour un espion d’intercepter les informations sans que cela ne soit détecté.
De plus, ces découvertes pourraient également être utilisées pour améliorer les technologies de calcul quantique. En permettant de mieux contrôler les informations cachées dans un système quantique, les chercheurs pourraient développer des ordinateurs plus puissants capables de résoudre des problèmes bien plus complexes que ceux que nous pouvons traiter aujourd’hui.
Les chercheurs de l’université de Linköping ont donc fait un pas important vers la compréhension des mystères de la mécanique quantique. Bien que leur travail reste fondamental, il offre des perspectives passionnantes pour l’avenir, notamment dans les domaines de la sécurité numérique et de l’informatique. Ces avancées marquent un jalon important pour le développement des technologies de demain, et nous rapprochent d’une ère où la communication quantique et les ordinateurs quantiques pourraient révolutionner nos vies.
