femmes chasseurs-cueilleurs
Un groupe de chasseurs-cueilleurs Basarwa partent ensemble pour une expédition de recherche de nourriture dans le Makgadikgadi Pan au Botswana. Crédits : DevonJenkin Photography/

La présence des femmes à la chasse a été surestimée

En 2023, une étude audacieuse avait suscité un débat animé en remettant en question les rôles traditionnels des genres dans les sociétés de chasseurs-cueilleurs. Cette étude avançait en effet l’idée que les femmes participaient activement à la chasse, défiant ainsi les perceptions établies selon lesquelles cette activité était exclusivement réservée aux hommes, en plus de leur rôle de cueillette de baies et d’autres ressources végétales. Cependant, de nouvelles recherches jettent maintenant un doute sur cette affirmation et soulignent des lacunes méthodologiques qui pourraient avoir amplifié les conclusions de cette étude initiale.

Hommes et femmes : des rôles bien définis

Dans les sociétés de chasseurs-cueilleurs, la division traditionnelle du travail selon les sexes reflète souvent les différences biologiques et les rôles sociaux attribués aux hommes et aux femmes. Cette division est généralement considérée comme une caractéristique fondamentale de la subsistance humaine, façonnée par des milliers d’années d’évolution culturelle.

Les hommes sont traditionnellement associés à la chasse de gros gibier en raison de leur force physique et de leurs compétences de chasse. Dans de nombreuses sociétés de chasseurs-cueilleurs anciennes, la chasse de gros animaux comme les mammouths, les bisons ou les cerfs était une activité centrale pour assurer la subsistance du groupe. Les hommes utilisaient alors leurs compétences pour traquer, piéger ou chasser ces animaux, fournissant ainsi une source vitale de protéines et de matières premières pour la communauté.

Les femmes étaient quant à elles traditionnellement responsables de la collecte d’aliments végétaux, et de la cueillette de fruits, de racines, de graines et d’autres ressources. Cette activité était souvent effectuée à proximité du campement, ce qui leur permettait de s’occuper des enfants tout en contribuant à la subsistance du groupe. La cueillette des aliments végétaux fournissait également une source importante de nutriments, de fibres et de vitamines, complétant ainsi le régime alimentaire basé sur la viande fournie par la chasse des hommes.

Cette division du travail selon les sexes était étroitement liée aux normes culturelles et aux attentes sociales de chaque société de chasseurs-cueilleurs. Bien que les rôles aient pu varier en fonction du contexte culturel et écologique, cette division générale du travail aurait ainsi perduré pendant des millénaires et joué un rôle crucial dans l’adaptation et la survie de l’humanité dans des environnements souvent difficiles et imprévisibles.

Une nouvelle perception

En 2023, une étude avait remis en question cette perception établie en affirmant que les femmes participent elles aussi activement à la chasse dans un grand nombre de sociétés de chasseurs-cueilleurs modernes. L’étude en question avait examiné des données ethnographiques pour évaluer la fréquence et l’importance de la chasse des femmes dans ces sociétés. Leurs résultats avaient surpris de nombreux chercheurs et soulignaient que la chasse des femmes était présente dans 79% des sociétés étudiées et qu’elle concernait même le gros gibier dans 33% de ces sociétés.

Ces conclusions, largement diffusées dans les médias, avaient eu un impact significatif sur la perception traditionnelle des rôles de genre dans les sociétés de chasseurs-cueilleurs. Cependant, une analyse récente de ces travaux révèle plusieurs lacunes méthodologiques qui remettent en question la fiabilité de ses conclusions.

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Source: DR
Crédits : Mohamed_hassan/Pixabay

Il y a encore des doutes

Premièrement, la méthode de sélection des sociétés étudiées semble biaisée, car elle n’est pas clairement justifiée. Plus précisément, les chercheurs ont choisi 391 sociétés de chasseurs-cueilleurs dans la base de données ethnographique D-PLACE, mais les critères exacts de sélection de ces sociétés n’ont pas été spécifiés. De plus, ils semblent avoir exclu certaines sociétés sans explication claire, ce qui soulève des questions sur la représentativité de leur échantillon. Or, ces exclusions pourraient potentiellement biaiser les résultats de l’étude en surestimant la fréquence de la chasse des femmes.

Le système de codage des données des chercheurs manque également de nuances. Ils ont en effet codé la présence ou l’absence de chasse des femmes de manière binaire, sans tenir compte de la fréquence ou de l’importance relative de cette activité dans chaque société étudiée. Par exemple, une société où les femmes chassent occasionnellement pourrait être codée de la même manière qu’une société où la chasse des femmes est une activité régulière et importante. Or, cette approche simpliste ne permet pas de saisir la variabilité des rôles de genre dans différentes sociétés de chasseurs-cueilleurs. Enfin, le manque de transparence méthodologique de l’étude rend difficile la reproductibilité de leurs résultats.

En conclusion, bien que cette étude de 2023 ait cherché à remettre en question les stéréotypes de genre dans les sociétés de chasseurs-cueilleurs, une analyse critique révèle des failles méthodologiques importantes qui remettent en question la fiabilité des conclusions avancées. Une approche plus rigoureuse et transparente sera donc nécessaire pour éclairer véritablement la compréhension des rôles de genre dans ces sociétés anciennes et diverses. En attendant, si les femmes chassaient effectivement parfois, la division du travail selon le sexe reste bien réelle.

Brice Louvet

Rédigé par Brice Louvet

Brice est un journaliste passionné de sciences. Ses domaines favoris : l'espace et la paléontologie. Il collabore avec Sciencepost depuis près d'une décennie, partageant avec vous les nouvelles découvertes et les dossiers les plus intéressants.