Les premiers Amérindiens, connus sous le nom de culture Clovis, ont longtemps fasciné les archéologues et les anthropologues. Pendant des années, les chercheurs pensaient que ces groupes de chasseurs-cueilleurs se nourrissaient principalement de petits gibiers, comme des cerfs et des rongeurs. Cependant, une nouvelle étude vient bouleverser cette vision et propose une image différente : les Clovis se nourrissaient en grande partie de viande de mammouths.
Une découverte inattendue grâce aux isotopes stables
L’étude s’est appuyée sur l’analyse chimique des os d’un garçon de 18 mois surnommé Anzick-1 qui ont été découverts dans le Montana.
Dans le détail, l’analyse des isotopes stables présents dans les os d’Anzick-1 a permis de reconstituer non seulement son régime alimentaire, mais aussi celui de sa mère, grâce à un phénomène biologique spécifique. En effet, les isotopes chimiques présents dans l’environnement, tels que ceux du carbone et de l’azote, sont absorbés par le corps au fur et à mesure des repas. Ces éléments sont ensuite stockés dans les tissus corporels, y compris dans les os, où ils restent relativement stables au cours du temps. Ces isotopes sont ensuite transmis de la mère à l’enfant pendant la grossesse et l’allaitement.
En d’autres termes, lorsque la mère consomme des aliments contenant certains isotopes, ces derniers passent dans son corps et, par conséquent, dans celui de l’enfant à travers le placenta pendant la grossesse, puis via le lait maternel après la naissance. Ainsi, en étudiant les empreintes isotopiques dans les os du jeune Anzick-1, les chercheurs ont pu retracer les habitudes alimentaires de sa mère.
Dans le cas de la mère d’Anzick-1, l’empreinte isotopique a révélé que sa diète était dominée par des animaux de grande taille. En effet, les résultats montrent que près de 40 % de son régime alimentaire était constitué de viande de mammouth. D’autres grands animaux, comme l’élan et le bison, représentaient également une part importante du reste de son alimentation.
La chasse au mammouth, un mode de vie flexible
En mettant en lumière la place centrale des mammouths dans leur alimentation, cette étude soulève aussi des questions cruciales sur le mode de vie de ces chasseurs.
Contrairement à ce que l’on pensait jusqu’à présent, les Clovis ne semblaient pas être des chasseurs opportunistes. Au contraire, leur préférence pour les grands herbivores, notamment les mammouths, les bisons et les élans, montre qu’ils ont su développer un mode de vie plus stable et prévisible, centré sur des proies de grande taille. Ces animaux, bien que difficiles à chasser, offraient une source régulière de viande et de graisse, ce qui permettait aux Clovis de se déplacer facilement d’une région à l’autre sans avoir à dépendre d’une faune plus petite et plus vulnérable aux changements environnementaux.
Cette chasse au mammouth a également permis aux Clovis de coloniser de vastes territoires. En effet, les mammouths étaient des animaux mobiles, vivant dans des environnements divers, ce qui signifie que les Clovis pouvaient suivre ces animaux à travers différents lieux sans compromettre leur approvisionnement alimentaire.
Cependant, l’étude soulève aussi des interrogations sur l’impact écologique de cette chasse à grande échelle. La question de la cause de la disparition des mammouths, qui se sont éteints à la fin de la dernière période glaciaire, est toujours débattue parmi les scientifiques. Certains pointent du doigt un changement climatique brutal, tandis que d’autres évoquent la pression exercée par la chasse humaine. L’hypothèse d’un rôle majeur joué par les Clovis dans cette extinction massive n’est pas nouvelle, mais l’étude de l’alimentation d’Anzick-1 apporte un nouvel éclairage. Si les mammouths constituaient une part aussi importante de leur régime alimentaire, il est plausible que la chasse intensive pratiquée par ces groupes de chasseurs ait contribué à l’effondrement des populations.