Les premières victimes des pesticides sont les agriculteurs

Crédits : USDA

Un décret récent officialise la dimension professionnelle d’une certaine forme de cancer : la maladie du lymphome malin non hodgkinien. Qu’implique ce décret à l’heure où les ministères de l’agriculture et de l’écologie « réagissent » face à l’utilisation des pesticides ?

Depuis le 9 juin 2015, le décret n° 2015-636 complète, avec une 59e pathologie, les tableaux des maladies professionnelles présents dans le code rural et de la pêche maritime français. Ainsi, les autorités ont établi un lien étroit entre le lymphome malin non hodgkinien et les « travaux exposant habituellement aux composés organochlorés, aux composés organophosphorés, au carbaryl, au toxaphène ou à l’atrazine », c’est à dire une exposition aux pesticides.

Le texte indique que les professionnels agricoles ont pu développer ce cancer « lors de la manipulation ou l’emploi de ces produits par contact ou inhalation » ou encore par « contact avec les cultures, les surfaces, les animaux traités ou lors de l’entretien des machines destinées à l’application des pesticides ». Le décret n’oublie alors aucun des moments où l’agriculteur est susceptible d’être en contact prolongé avec ces produits.

Pour un malade, le texte indique que, pour établir un lien légal avec la maladie (donc une reconnaissance), il faut pouvoir prouver une exposition aux pesticides sur une durée d’une décennie au minimum. Il semble cependant que certains des produits incriminés ne sont désormais plus utilisés dans notre pays, mais que ces derniers soient clairement des polluants organiques persistants (POP), c’est ainsi le cas pour le toxaphène, présent dans la liste de la douzaine de polluants les plus toxiques au monde (et interdits) éditée par le Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE). Autre exemple : l’atrazine, un herbicide banni en Europe depuis 2004.

La mise à jour des tableaux des maladies professionnelles tendra vers une vraie reconnaissance, et « permettra à de nombreuses victimes d’obtenir une prise en charge des soins liés à leur pathologie, ainsi que l’attribution d’une indemnisation » indique Phyto-victimes, une association regroupant des personnes ayant utilisé des pesticides dans le cadre de leurs activités professionnelles, ayant occasionné des problèmes de santé.

Stéphane Le Foll, ministre de l’Agriculture, explique dans un communiqué publié le 11 juin 2015 qu’il désire relancer le plan Eco-phyto, dont le but est de réduire de moitié la consommation de pesticides pour 2018. L’objectif ne devrait pas être atteint, tandis que le plan est consultable par le public jusqu’au 29 juin 2015.

Allons nous vers un recul de géants tels que Monsanto ? Un bras de fer a eu lieu il y a quelques jours entre cette firme multinationale et Ségolène Royal à propos d’une volonté de la ministre de l’écologie de limiter (par amendement à la loi sur la transition énergétique) la vente libre du célèbre désherbant Round-Up. En effet, son principe actif, le glyphosate, a été déclaré cancérogène « probable chez l’homme » par le Centre international de recherche sur le cancer en mars 2015. Malheureusement, le coup de communication de Ségolène Royal est entaché d’une incohérence à la limite de l’indécence, comme le signale Greenpeace dans un communiqué du 15 juin 2015 :

« L’annonce concerne exclusivement l’usage des pesticides par les jardiniers amateurs, soit moins de 5% des usages en France. Le gouvernement ignore les usages agricoles alors qu’ils représentent l’usage ultra majoritaire des pesticides en France. En faisant cela, [il] renonce à s’attaquer au cÅ“ur du problème ».

Sources : Sciences et AvenirInstitut CurieMetronews

РCr̩dits photo : USDA