Les biologistes observent pour la première fois le camouflage des calmars

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Calmars ovales (Sepioteuthis lessoniana) / Crédits : Capture image Vimeo/OIST

Certains céphalopodes, comme le poulpe et la seiche, sont connus pour changer leur couleur et leur texture, et se fondre dans leur environnement. Les scientifiques savent aujourd’hui que cette capacité de camouflage se retrouve également chez une espèce de calmar : le calmar ovale. 

Une révélation imprévue

Le calmar ovale (Sepioteuthis lessoniana) vit principalement en environnement pélagique (en haute mer). Sa couleur claire se confond avec l’eau et réfléchit la lumière du Soleil, de sorte qu’il est extrêmement difficile pour les scientifiques de l’étudier dans son habitat naturel. Cependant, les biologistes se doutaient que le comportement de ces animaux pouvait différer en eaux profondes. En 2017, des chercheurs en physique et biologie du Collège doctoral de science et technologie d’Okinawa (OIST, Japon) ont élevé en captivité plusieurs spécimens de l’espèce Sepioteuthis lessoniana. Les biologistes se sont alors aperçus que ces céphalopodes arboraient une teinte plus foncée à proximité des algues, et reprenaient instantanément leur couleur claire au-dessus de la surface nettoyée, ce qui était inattendu.

Le camouflage des calmars mis en situation

Après cette découverte impromptue, les chercheurs ont mis en place une expérience ciblée, et ont publié les résultats dans le journal scientifique Nature. Il a suffi de mettre en place un réservoir avec une moitié propre et l’autre couverte d’algues. Une caméra sous-marine au centre, et une seconde suspendue et émergée ont été ajoutées, le tout recueillant des informations servant à l’analyse statistique des variations de la couleur des calmars. Les résultats ne se sont pas fait attendre : les animaux se trouvant du côté du substrat clair demeuraient translucides, tandis que ceux se faufilant dans la zone du substrat sombre se teintaient en conséquence.

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Réservoir expérimental. (A) Caméra émergée. (B) Caméra sous-marine et tube de sortie du réservoir. (C) Zone du réservoir contenant le substrat sombre. (D) Zone du réservoir nettoyée, de couleur claire. Crédits : Ryuta Nakajima, Zdeněk Lajbner, Michael J. Kuba et coll./OIST/Nature

Le calmar peut se camoufler au moyen de la transparence de son organisme, mais également grâce aux cellules de pigmentation présentes dans son épiderme superficiel, appelées chromatophores. Néanmoins, cette étude n’a pas pris en compte tous les éléments perturbateurs pouvant influencer un changement d’état.

« […] La durée des événements de changement de couleur pourrait être affectée par divers facteurs externes qui n’ont pas été entièrement contrôlés, tels que […] le stress induit par la présence de l’expérimentateur, le temps écoulé depuis leur dernier repas, la météo, l’éclairage naturel, la température de l’eau, la turbidité, la chimie, etc. Sur la base d’un examen visuel subjectif des enregistrements vidéo, nous émettons l’hypothèse que les interactions sociales influencent également le comportement de camouflage des calmars, y compris la durée de la transformation du schéma corporel », rapportent les auteurs de l’expérience.

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Les calmars ovales prennent la teinte du substrat quasi instantanément. Crédits : OIST via Gurumed.org

Cette démonstration a dévoilé une aptitude encore inconnue jusque là chez ces céphalopodes. Comme le soulignent les scientifiques, les prochaines expériences se porteront sur les facultés visuelles des calmars. De plus, l’analyse du camouflage a révélé que l’environnement dans lequel évolue l’animal est primordial à la pérennité de l’espèce puisque le calmar peut être amené à s’approcher du fond de l’océan ou de récifs coralliens pour se protéger des prédateurs. Il s’agit donc d’une raison de plus d’œuvrer en faveur de la sauvegarde des coraux et de nos océans.

De nombreuses espèces animales ont adopté le camouflage comme moyen de survie. Cette méthode innée, discrète et passive intéresse hautement les chercheurs qui tentent de l’adapter à d’autres organismes qui en sont dépourvus. Certains scientifiques ont ainsi réussi à rendre des cellules humaines « invisibles ».