Première approbation de greffes de selles au monde. Pourquoi c’est important

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Crédits : Steve Gschmeissner

Consommer des selles est naturellement déconseillé, mais lorsqu’elles sont préparées correctement et livrées de la bonne manière, les matières fécales humaines peuvent en fait avoir un effet bénéfique sur notre santé. D’ailleurs, pour la première fois, une entreprise australienne a reçu le feu vert pour effectuer des greffes de selles afin de combattre une infection intestinale.

À l’intérieur de vos intestins se trouve une communauté florissante de milliards de microbes, parmi lesquels figurent des milliers d’espèces de bactéries, de virus, de champignons et autres micro-organismes. Ensemble, ils composent le microbiote intestinal. Pour être en bonne santé, ce microbiote doit être diversifié. Malheureusement, dans le monde moderne occidental, les régimes alimentaires le sont de moins en moins. De plus, nos microbes intestinaux sont régulièrement malmenés par des traitements médicaux, tels que les antibiotiques.

Greffe de selles

Chez les personnes dont le microbiote est gravement endommagé, une greffe de selles prélevées chez un individu sain pourrait permettre de changer la donne en introduisant de nouvelles communautés microbiennes.

L’idée que ces greffes pourraient améliorer la santé n’est pas nouvelle. Néanmoins, l’intérêt pour ces transplantations a augmenté au cours de ces dernières années à mesure que nous prenions conscience de l’importance du microbiote intestinal pour notre organisme. D’ailleurs, l’intérêt est tel qu’un premier grand pas vient d’être franchi avec une première greffe officiellement approuvée en Australie. C’est la première fois qu’une telle transplantation reçoit une approbation réglementaire dans le monde.

Pour l’instant, la thérapie approuvée concerne seulement l’infection par la bactérie Clostridioides difficile, jugée très grave et potentiellement mortelle. « Pour certaines personnes dont l’intestin a été perturbé par des antibiotiques ou d’autres traitements, c’est comme si leur forêt tropicale interne (le microbiote) avait été rasée. Ensuite, la bactérie apparaît comme une mauvaise herbe et commence à produire des toxines« , détaille le Dr Sam Forster, de l’Institut de recherche médicale Hudson de Melbourne.

Pour l’heure, d’autres études sont toujours en cours, mais à terme, ce type d’approche pourrait s’étendre à d’autres cas de figure. Il existe en effet des greffes de selles qui pourraient aider à traiter plusieurs types de maladies inflammatoires de l’intestin. Il existe aussi des recherches prometteuses sur la façon dont elles pourraient fonctionner en combinaison avec l’immunothérapie contre le cancer, en renforçant le système immunitaire. Les problèmes de l’obésité et de l’autisme sont également ciblés.

intestins greffes de selles
Les greffes de selles permettent une recomposition de la flore intestinale. Crédit : Pixabay

Comment trouver le bon donneur ?

Les personnes éligibles pour devenir donneurs sont si rares qu’on les compare parfois à des licornes. Ces personnes ne doivent souffrir d’aucun trouble gastro-intestinal chronique, d’aucune maladie infectieuse ni être immunodéprimées. Elles ne doivent pas non plus avoir consommé d’antibiotiques dans un passé récent, entre autres conditions.

Chez BiomeBank, la société de biotechnologie d’Adélaïde concernée par cette nouvelle approbation, des toilettes spéciales sont disponibles pour les donneurs potentiels. Chacun peut venir faire un dépôt de selles quand bon lui semble. Ils sont ensuite emportés, puis testés pour s’assurer de leur viabilité. Ces échantillons sont enfin stockés à des températures appropriées, tout en étant conservés de manière à éviter toute exposition à l’oxygène. À ce stade, les protocoles sont très stricts.

Comment les selles sont-elles transplantées ?

L’échantillon fécal est placé à l’extrémité d’un coloscope. Initialement congelé à -80 °C (pour éviter toute multiplication microbienne), il est décongelé juste avant d’être inséré dans l’anus du patient pour être déposé dans le côlon. L’échantillon peut être également introduit par voie nasale. BiomeBank travaille aussi sur une capsule qui pourrait éventuellement être prise par voie orale. Cependant, ce n’est pas l’option privilégiée dans la mesure où une pilule ou une capsule prise par voie orale devrait d’abord passer par le tractus gastro-intestinal supérieur avant d’arriver dans les intestins.

Une fois à l’intérieur, le côlon est peu à peu repeuplé de bactéries diverses et variées. Pour reprendre l’analogie de la forêt, les « arbres poussent, puis les oiseaux reviennent ». Petit à petit, la forêt devient plus fournie, habitée par de multiples espèces bactériennes, fongiques et virales.

À terme, BiomeBank aimerait également travailler sur un traitement de seconde génération impliquant des greffes synthétiques sur mesure. Des souches spécifiques pourraient être isolées et répliquées sans avoir besoin d’un donneur. Mais pour cela, il va falloir être encore un peu patient.