Pourrions-nous tirer parti des cinq dernières extinctions massives ?

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De toutes les espèces qui ont vécu sur Terre, plus de 99 % sont maintenant éteintes. La plupart d’entre elles ont calmement disparu pendant les périodes d’extinction dites « de fond ». Mais il y eut des périodes plus dramatiques durant lesquelles de nombreuses espèces ont été rayées de la carte. Une sorte de grand ménage de printemps. Ce sont les extinctions de masse.

Traditionnellement, les scientifiques se réfèrent au « Big Five » qui comprend peut-être l’extinction de masse la plus célèbre qui a entraîné la fin des dinosaures. Celle-ci aurait été déclenchée au départ par l’impact d’un astéroïde à la fin de la période du Crétacé, mais les autres grandes extinctions de masse ont été causées par des phénomènes inhérents à la Terre. Pourrait-on alors s’en inspirer pour mieux gérer les crises environnementales actuelles ? Certains experts estiment que nous sommes en effet aujourd’hui en train d’assister à la sixième extinction. Mais est-ce vraiment le cas ? Et si une extinction de masse était en cours, ne pourrions alors nous pas apprendre de ces épisodes pour mieux la traverser ou mieux encore, pour l’inverser ?

En premier lieu nous avons la fin de l’Ordovicien survenue il y a 445 millions d’années qui mena à la disparition de 27 % des familles d’animaux et de 57 % des genres d’animaux marins et une estimation de 85 % au niveau des espèces. La cause principale de cette extinction majeure serait liée à une grande phase de glaciation, notamment dans l’hémisphère sud. De nombreuses espèces auraient alors été incapables de s’adapter au recul de la mer sur des centaines de kilomètres puis à son retour en fin de phase glaciaire. Il semblerait enfin que cette extinction majeure soit la seule directement liée au refroidissement global de la planète.

Puis vint le dénovien il y a 380 millions d’années qui entraîna l’extinction d’environ 50 % des genres marins. Parmi les espèces tuées, de nombreux coraux, trilobites, éponges et des poissons lourdement blindés connus sous le nom de placodermes. Cette extinction est vraisemblablement liée à un changement climatique majeur probablement causé par une éruption de la zone volcanique de Viluy Traps, dans l’actuelle Sibérie. Une éruption majeure aurait alors causé des fluctuations rapides au niveau de la mer et une réduction des niveaux d’oxygène dans les océans.

Il y a 250 millions d’années, au permien, s’est produit la plus grande extinction de masse que la Terre ait connue. La « mère des extinctions » et la troisième dans l’ordre chronologique. Cette extinction est marquée par la disparition de 95 % des espèces marines et de 70 % des espèces vivant sur les continents. Plusieurs mécanismes ont été proposés pour expliquer l’extinction. D’une part une dégradation graduelle de l’environnement : des changements progressifs du niveau de la mer, l’anoxie et une modification dans la circulation océanique due à un changement climatique. D’autre part une forte activité volcanique (notamment celle dont les trapps de Sibérie sont la trace), accompagnée d’une acidification des océans.

Il y a 200 millions d’années, l’extinction du Trias-Jurassique marque la disparition de 75 % des espèces marines et de 35 % des familles d’animaux, dont la plupart des diapsides et les derniers des grands amphibiens. Elle s’est produite à peu près au moment où la Pangée s’est fracturée. Il semblerait qu’ici aussi les causes soient multiples : d’une part un changement climatique graduel ou de fluctuations du niveau de la mer et d’autre part de multiples épisodes volcaniques ayant entraîné un réchauffement climatique global. C’est notamment cette extinction qui permit aux dinosaures de prospérer en libérant des niches écologiques.

Vint enfin l’extinction Crétacé-Tertiaire qui extermina 50 % des espèces il y a 66 millions d’années, dinosaures non-aviens compris. Tout aurait alors commencé avec l’impact d’un astéroïde. Des recherches ont identifié le cratère de Chicxulub, enterré sous Chicxulub sur la côte du Yucatán, au Mexique. L’impact aurait alors entraîné la formation d’un nuage de poussière qui aurait bloqué la lumière du Soleil sur une majeure partie de la Terre pour une année ou moins, le tout combiné à une augmentation des aérosols soufrés dans la stratosphère, menant à une réduction de 10-20 % du rayonnement solaire atteignant la surface de la Terre et empêchant ainsi la photosynthèse. Il n’y a en revanche pas de consensus sur le fait que l’impact soit ou non la cause unique des extinctions. Une forte activité volcanique est également soupçonnée.

Alors, sommes-nous actuellement au milieu d’une extinction massive ? Si c’est le cas, inutile de blâmer les météorites ou les volcans. Il semblerait qu’une espèce soit ici à l’œuvre : l’Homo sapiens. La destruction de l’habitat et le changement climatique par la hausse des niveaux de dioxyde de carbone ont conduit les taux d’extinction à des niveaux qui rappellent ceux des extinctions massives du passé. Les similitudes entre hier et aujourd’hui sont néanmoins étranges. La majorité des extinctions passées sont associées au dioxyde de carbone des volcans provoquant un réchauffement climatique rapide et entraînant un certain nombre d’effets cascades. La cause peut être différente, mais les résultats, eux, sont les mêmes.

Cependant, 66 millions d’années se sont écoulées depuis la dernière extinction massive. Les écosystèmes de la Terre sont très différents et peuvent être plus stables depuis la dernière grande crise biologique. La position des continents a changé, ce qui signifie que la circulation atmosphérique et océanique est différente. Cela rend ainsi très difficile l’utilisation de données passées pour prédire les résultats de toute extinction de masse future. Les taux actuels d’extinction sont cinquante fois plus élevés que prévu, ce qui laisse sous-entendre une extinction de masse. Mais si nous pouvions voyager des millions d’années dans le futur pour examiner les roches préservées des écosystèmes d’aujourd’hui, aurions-nous vraiment les preuves d’un événement d’extinction majeur ? Pas sûr. En revanche, encore cent ou mille ans à ce rythme et la question ne se posera même plus.

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