Pourquoi le « visage de la colère » est-il universel ?

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Crédits : Giulio Fornasar/istock

Sourcils baissés, gros yeux, lèvres amincies, narines évasées… une personne qui se met en colère est tout de suite identifiable. C’est ce que les spécialistes des sciences sociales appellent le « visage de colère ». Il y a plusieurs années, des chercheurs ont identifié l’origine et le but de cette expression. D’après ces travaux, elle semble faire partie de notre biologie fondamentale en tant qu’êtres humains.

L’expression de la colère est profondément enracinée

L’expression de la colère fait appel à sept groupes musculaires distincts qui se contractent de manière très stéréotypée. Elle est universelle sur le plan interculturel. D’ailleurs, même les enfants congénitalement aveugles font le même visage sans jamais en avoir vu un. Ces caractéristiques suggèrent ainsi que cette émotion est profondément enracinée dans la biologie humaine et qu’elle est fortement codée dans le comportement facial.

D’autres animaux ont des manières similaires de manifester leur colère, par exemple en montrant les crocs à leurs rivaux. Dans ce cas de figure, plus les crocs sont longs, plus l’adversaire sera susceptible de reculer en raison des dégâts potentiels que ces derniers pourraient infliger. Cependant, si l’on met de côté certains enfants qui n’hésitent pas à se mordre en cas de conflit au cours de leurs premières années, les humains ne se battent pas avec leur visage. Mais alors, pourquoi ce type d’expression faciale a-t-il évolué ?

Il y a plusieurs années, des chercheurs de l’UC Santa Barbara et de l’Université Griffith en Australie ont testé l’hypothèse selon laquelle une expression de colère se contracte de manière à donner une apparence physiquement plus forte aux yeux des autres. Pour nos ancêtres, une plus grande force du haut du corps aurait en effet conduit à une plus grande capacité à infliger du mal. Des recherches antérieures avaient également montré que la colère avait probablement évolué pour motiver un comportement de négociation en cas de conflits d’intérêts. Selon ce point de vue, la colère serait donc une émotion de marchandage.

Menace et intimidation

D’après les chercheurs, la première étape de ce processus de marchandage consiste à communiquer à l’autre que l’événement déclencheur de la colère n’est pas acceptable et que le conflit ne prendra fin que lorsqu’un accord implicite sera trouvé. Pour ce faire, chaque élément du visage est positionné de manière à le faire comprendre. Une expérience a confirmé cette idée. En utilisant des visages générés par ordinateur, les chercheurs ont en effet démontré que chacune des composantes individuelles du visage de colère faisait paraître les personnes présentées physiquement plus fortes.

Dans un premier temps, l’équipe a généré une photo d’un visage avec un sourcil baissé, caractéristique d’un visage en colère, à laquelle était opposée une autre photo avec un sourcil levé. Les chercheurs ont alors demandé aux 141 participants à l’étude de juger quel visage semblait physiquement plus fort. Résultat : tous ont rapporté que l’image avec le sourcil inférieur semblait appartenir à un homme physiquement plus puissant.

Les chercheurs ont suivi les mêmes étapes pour chacune des autres caractéristiques d’une expression de colère (pommettes relevées, lèvres amincies, narines évasées, menton poussé vers le haut et vers l’extérieur, etc.). Lorsque les chercheurs ajoutaient ne serait-ce qu’une seule de ces caractéristiques aux visages générés par ordinateur, les participants à l’étude rapportaient que ces visages paraissaient physiquement plus fort.

Étant donné que les personnes jugées plus fortes ont tendance à obtenir ce qu’elles veulent plus souvent, toutes choses étant égales par ailleurs, les chercheurs ont alors conclu que l’explication de l’évolution de la forme du visage de colère humaine est étonnamment simple : il s’agit d’une manifestation de menace consistant en des exagérations d’indices de capacité de combat.