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Illustration des pluies de particules créées par les collisions de rayons cosmiques dans la haute atmosphère terrestre. Crédits : Simon Swordy (Université de Chicago), NASA

Pourquoi y a-t-il trop de muons sur Terre ? Une nouvelle hypothèse offre des réponses

Chaque seconde, des particules invisibles traversent nos corps sans que nous en ayons conscience. Ces particules, appelées muons, sont produites dans les hautes couches de l’atmosphère par des interactions entre les rayons cosmiques et les atomes. Pourtant, un mystère intrigue les scientifiques depuis plusieurs années : il y a beaucoup plus de muons à la surface de la Terre que ce que prévoient les théories actuelles. Une étude propose une solution intrigante basée sur un phénomène exotique : le condensat de gluons.

Trop de muons sur Terre : un mystère cosmique

Chaque seconde, des particules invisibles, appelées muons, traversent notre corps sans laisser de trace. Ces particules subatomiques, produites dans les hautes couches de l’atmosphère terrestre, résultent d’une chaîne d’événements déclenchée par les rayons cosmiques. Dans le détail, ces rayons qui voyagent depuis les confins de l’Univers à des vitesses proches de celle de la lumière percutent les atomes d’azote, d’oxygène et d’argon de l’atmosphère. Ces collisions engendrent une cascade de particules, incluant des pions et des kaons, qui se désintègrent pour former des muons. Ces derniers sont étonnamment stables et atteignent facilement la surface de la Terre malgré leur courte durée de vie.

Cependant, un mystère intrigue les scientifiques : il y a beaucoup plus de muons à la surface de la Terre que ce que prévoient les théories actuelles. Les modèles basés sur la physique des particules et les données des accélérateurs, comme ceux du CERN, sous-estiment le flux observé. Pour certaines plages d’énergie (entre six et seize exaélectronvolts), le nombre de muons est supérieur de 30 à 60 % aux attentes. Cette énigme des muons intrigue depuis des années et constitue un défi majeur pour les physiciens.

Une nouvelle piste : le condensat de gluons

Pour expliquer l’excès de muons, une équipe de chercheurs chinois propose une idée fascinante : les collisions initiales dans l’atmosphère seraient bien plus complexes qu’on ne le pensait. Selon eux, un phénomène appelé condensat de gluons pourrait se produire lors de ces impacts à très haute énergie.

Pour comprendre cette hypothèse, il faut d’abord savoir ce qu’est un gluon. Les gluons sont des particules qui jouent un rôle similaire à celui de la colle. Ils maintiennent ensemble les quarks, les constituants fondamentaux des protons, des neutrons et d’autres particules appelées hadrons. Toutefois, contrairement à d’autres forces comme l’électricité, l’interaction forte (responsable de cette « colle ») est extraordinairement complexe. Les gluons eux-mêmes portent une charge liée à la force forte, ce qui les rend capables d’interagir entre eux, ce qui crée des configurations incroyablement denses et dynamiques.

Lors de collisions à des énergies extrêmes, ces gluons pourraient alors se regrouper en un état condensé où ils sont extrêmement nombreux et concentrés dans un petit espace. Ce condensat influencerait la manière dont les particules secondaires (comme les pions et les kaons) se forment, ce qui augmenterait significativement leur nombre. Résultat : plus de pions et de kaons se désintégreraient en muons, expliquant ainsi l’excès observé.

Les chercheurs ont calculé que ce processus pourrait doubler, voire décupler la production de certaines particules impliquées dans la formation des muons, notamment les quarks dits étranges. Ces résultats théoriques pourraient ainsi résoudre l’énigme des muons tout en ouvrant une nouvelle fenêtre sur la physique des hautes énergies.

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Les rayons cosmiques pleuvent constamment sur Terre. Crédits: DrPixel

Pourquoi est-ce important ?

L’intérêt de cette nouvelle hypothèse dépasse largement le cadre d’un simple problème de comptabilité des muons, elle ouvre des perspectives fascinantes pour la physique fondamentale et l’exploration des mystères de l’Univers. Comprendre comment les gluons peuvent former un condensat nous permettrait notamment d’explorer de nouvelles facettes des interactions fortes et d’approfondir nos connaissances sur la structure même de la matière.

Si elle est confirmée, l’hypothèse des condensats de gluons pourrait également bouleverser les modèles actuels de la physique des hautes énergies. Les prédictions actuelles sur les cascades de particules sont en grande partie basées sur des résultats obtenus dans des accélérateurs comme le Grand collisionneur de hadrons (LHC). Une révision de ces modèles pourrait enrichir notre compréhension des collisions à très haute énergie qu’elles se produisent naturellement dans l’atmosphère ou dans les laboratoires.

Par ailleurs, les muons ne sont pas qu’un sous-produit des rayons cosmiques ; ils sont une fenêtre sur ces mystérieux projectiles galactiques. Les rayons cosmiques les plus énergétiques, capables de générer ces cascades complexes de particules, intriguent depuis des décennies. Leur origine, qu’elle soit liée à des supernovae, des trous noirs ou des phénomènes encore inconnus, reste incertaine. Une meilleure compréhension des muons pourrait fournir des indices cruciaux pour percer ce mystère.

Enfin, cette découverte nous rappelle une vérité fondamentale : même dans des domaines que nous pensions bien maîtriser, comme l’étude des particules subatomiques, l’Univers a encore le pouvoir de nous surprendre. Les muons, discrets, mais omniprésents, pourraient bien nous guider vers des réponses et de nouvelles questions sur la nature de notre cosmos.

Brice Louvet

Rédigé par Brice Louvet

Brice est un journaliste passionné de sciences. Ses domaines favoris : l'espace et la paléontologie. Il collabore avec Sciencepost depuis près d'une décennie, partageant avec vous les nouvelles découvertes et les dossiers les plus intéressants.