Pourquoi il est temps de sonder Uranus

Crédits : Nasa

Si nous voulons envoyer une sonde vers Uranus, nous devons commencer à planifier et à rechercher des fonds dès maintenant pour profiter de la fenêtre ouverte en 2032. En effet, une telle opportunité ne se représentera pas de sitôt. Dans un nouvel article, le Dr Kathleen Mandt, scientifique planétaire au Johns Hopkins Applied Physics Laboratory, explique les intérêts d’un tel projet.

Une opportunité à saisir

Mars, Vénus, Jupiter ou encore Saturne ont tous reçu plus ou moins d’attention de la part de la communauté scientifique en accueillant des sondes ou des atterrisseurs. Toutefois, Uranus est avec Neptune un peu la « laissée pour compte » du système solaire. Même certains astéroïdes ont plus été mis en avant.

Il faut dire que ces deux « oubliées » ne rendent pas la tâche facile. Uranus est à plus de 2,7 milliards de km de la Terre, tandis que Neptune ne s’approche pas à moins de 4,3 milliards de km. À de telles distances, il faut évidemment beaucoup d’énergie pour acheminer un vaisseau dans un délai raisonnable, ce qui explique en partie pourquoi elles semblent délaissées par la communauté scientifique. Cependant, ces délais peuvent être considérablement raccourcis.

La seule sonde passée à proximité de ces deux planètes (Voyager 2 dans les années 80) avait profité d’un parfait alignement des géantes de notre système qui ne se produit qu’une fois tous les 175 ans. Ces positionnements permettent aux vaisseaux de profiter d’une assistance gravitationnelle pour s’orienter et accélérer vers leur cible.

Depuis ce passage éclair, aucune véritable opportunité ne s’est présentée, mais cela est sur le point de changer. En effet, même si en 2032, Saturne et Neptune ne seront pas aussi bien placées qu’il y a cinquante ans, Uranus et Jupiter s’aligneront à nouveau. Et si nous voulons profiter de cette assistance, il faudrait s’y mettre maintenant selon le Dr Kathleen Mandt. Autrement, il faudra encore patienter des dizaines d’années.

uranus
Uranus vue par Voyager 2 en 1986. Crédits : NASA/JPL-Caltech

Pourquoi envoyer une sonde ?

Ce n’est évidemment pas le premier « appel du pied ». Plusieurs chercheurs militent en effet pour l’envoi d’une sonde depuis des années. Récemment, un nouveau rapport couvrant les dix prochaines années de la science planétaire et de l’astrobiologie américaines avait également jugé « prioritaire » l’envoi d’un orbiteur et d’une sonde vers Uranus.

Et pour cause, il existe de nombreuses raisons d’étudier cette « géante de glace » de plus près. D’une part, son étrange inclinaison (98 degrés par rapport à son plan orbital) obscurcit les recherches depuis la Terre. On suppose que cette étrange position est le fruit d’une collision avec un gros objet, mais nous ne le saurons probablement pas tant que nous ne pourrons pas étudier la planète plus en détail.

Comme le souligne le Dr Kathleen Mandt, visiter Uranus pourrait également contribuer à résoudre l’une des plus grandes questions en suspens concernant le système solaire : où les planètes géantes se sont-elles formées et quel chemin ont-elles emprunté pour se retrouver à leur emplacement actuel ? Les modèles prédisent différents scénarios de formation et de migration. Cependant, toutes ces idées nécessitent des mesures des rapports isotopiques et des abondances de gaz rares dans l’atmosphère de chaque planète pour vérifier quel scénario modélisé est le plus précis. Cela démontre donc une nouvelle fois l’importance d’envoyer une sonde sur place pour collecter des échantillons.

Comprendre ces questions aurait de vastes implications pour expliquer, entre autres choses, la distribution des petits corps dans notre système solaire et, par extension, la livraison à travers ces corps de petites masses d’eau et d’éléments vitaux au système solaire interne.

Enfin, une mission pourrait étudier la magnétosphère d’Uranus et fournir de nouvelles informations sur sa structure interne (le noyau est-il solide ou diffus ?). Autre point intéressant : Uranus possède l’un des plus beaux ensembles d’anneaux du système solaire, mais aussi 27 satellites connus de taille moyenne et petite, dont certains pourraient contenir de l’eau liquide nichée sous leur coquille de glace.