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Pourquoi le premier vol de la fusée Starship est un succès

Starship SpaceX
Crédits : Patrick T. Fallon

C’est finalement arrivé et c’était aussi spectaculaire que nous l’espérions. La mégafusée Starship de SpaceX a décollé de la rampe de lancement de Boca Chica ce jeudi, soulevée par une poussée record avant de partir en miettes quelques minutes plus tard. Beaucoup ne retiendront que cette explosion. En réalité, nous avons de bonnes raisons de nous réjouir de cet incroyable test grandeur nature.

Un vol explosif

Ce jeudi, alors que la brume se dissipait de la Starbase, au sud du Texas, la plus grande, la plus lourde et la plus puissante fusée de tous les temps s’est envolée, chargée d’environ 5 000 tonnes métriques d’oxygène liquide et de méthane. Il aura fallu environ dix secondes (une éternité pour tous ceux qui observaient) à cet énorme véhicule pour commencer à se dégager de la rampe de lancement au-dessus d’un gigantesque panache de fumée et de poussière.

Puis, au cours de la montée, plusieurs moteurs ont cédé. Avant la fin, alors que la fusée approchait les 40 km d’altitude, pas moins de huit d’entre eux semblaient s’être éteints. Sans surprise, ces défaillances ont entraîné des pertes d’équilibre et rapidement, le Starship est sorti de sa trajectoire nominale. En fin de compte, à peu près au moment où l’étage supérieur était censé se séparer du premier étage de la fusée, le véhicule a explosé.

Pour SpaceX, l’échec est une option

Cet incroyable test a naturellement fait réagir. Sur Internet, beaucoup le considèrent comme un échec, mais la plupart confondent l’entreprise SpaceX avec son créateur, Elon Musk. Ce dernier n’a en effet jamais été aussi clivant et ceux qui le détestent aujourd’hui sont prêts à haïr ou moquer le moindre de ses accomplissements. D’autres étaient simplement dans l’incompréhension : les ingénieurs de SpaceX sont-ils vraiment aussi stupides pour célébrer un échec aussi spectaculaire ? Après tout, la fusée a explosé, non ?

Pour un public général, cela ressemble effectivement à un échec. En réalité, c’est tout l’inverse. Pourquoi ?

Parce que si le but principal, sur le papier, était d’atteindre l’orbite, dans l’esprit des ingénieurs, l’objectif était simplement de réussir à voler au moins quelques minutes pour collecter un maximum de données. Les scientifiques pourront ainsi identifier ce qui n’a pas été avant de réajuster les paramètres et de recommencer, encore et encore.

Car oui, SpaceX peut se permettre d’accepter certains échecs grâce à son approche de conception itérative. Depuis le sud du Texas, l’entreprise d’Elon Musk s’est en effet donné les moyens d’assembler et de lancer des vaisseaux en acier inoxydable à un rythme effréné. Dans le même temps, la NASA a suivi une méthode de conception linéaire et dépensé des milliards de dollars en plus de dix ans pour construire une seule fusée SLS qui n’a effectué qu’un seul vol. La raison en est qu’un échec de cet énorme véhicule aurait soulevé de sérieuses questions sur les compétences de l’agence. Ainsi, de son côté, SpaceX peut considérer davantage l’échec comme une option.

D’ailleurs, l’entreprise a déjà construit trois autres fusées Super Heavy quasiment prêtes à voler. De manière générale, considérez que SpaceX peut construire dix premiers étages Super Heavy dans le temps qu’il faut à la NASA pour construire une seule fusée SLS. Que dirons-nous alors dans deux ou trois ans lorsque SpaceX aura lancé et récupéré plusieurs de ses fusées alors que la NASA n’en aura lancé qu’une seule ?

Starship SpaceX
La fusée Starship s’envole dans le ciel du Texas. Crédits : Patrick T. Fallon

Quels enseignements en tirer ?

Naturellement, cela ne veut pas dire que ce test n’a soulevé aucune inquiétude. SpaceX va devoir continuer de travailler sur la fiabilité de ces moteurs tant à l’allumage que pendant le vol. Une autre préoccupation majeure concerne l’infrastructure au sol qui alimente et soutient la fusée avant le décollage. Les images post-lancement ont en effet révélé un cratère massif sous le support de lancement orbital. À terme, SpaceX devra peut-être creuser une tranchée sous la fusée pour évacuer les gaz d’échappement et la chaleur.

Le fait est que certaines choses sont difficiles à anticiper, même pour les meilleurs ingénieurs en aérospatiale. C’est donc à cela que servent les tests. La résolution de ces problèmes, en particulier avec les systèmes au sol, sera probablement le plus grand obstacle avant le prochain vol d’essai du Starship, qui aura probablement lieu cet automne ou cet hiver.

Néanmoins, qu’on se le dise : ce que tente SpaceX est inédit et incroyablement difficile. Gardons à l’esprit qu’Elon Musk et ses équipes ont imaginé une fusée entièrement réutilisable qui, lorsque tous les problèmes seront résolus, permettra une exploration humaine du système solaire. La question n’est donc plus de savoir SI le genre humain posera un jour les pieds sur Mars ou fera le tour de Jupiter, mais de savoir QUAND et COMMENT. Et si calendrier est incertain, il y a fort à parier que les futurs grands pas de l’humanité se feront à bord de cette fusée Starship. Ainsi, voyons le verre à moitié plein et considérons la chance que nous avons de pouvoir assister aux prémices de cet incroyable projet.